Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
frère,
     
    Trouvé moi de grasse un discrai
logi, lequel je peillerai, pour y rencontré mon petit mallade, ne le pouvant
céant, étan depuiz Lézignan for surveillé. Je vous aten présentement en
l’Eglize Saint-Firmin. De grasse, mon gentilh frère, fète ce que je di ou je me
meure.
     
    G.
     
    Ha ! Pensai-je avec un sourire,
ne vaut-il pas mieux que ces deux-là vivent en étant côte à côte, plutôt que de
mourir chacun de son côté ? Mais relisant le billet et m’amusant de son
orthographe, j’allais tout soudain me ramentevant le billet de la petite Hélix
quand j’étais avec Samson serré dans la tour nord-est de Mespech au retour de
notre expédition dans Sarlat infecté par la peste. Je tombai alors dans un
soudain pensement de la pauvrette, morte hélas en la fleur de son âge et dont
j’étais comme veuf depuis, et cruellement sevré, l’ayant si bien et de si près
connue en mes maillots et enfances. Ce pensement me fit grand mal mais par
bonheur dura peu, Cossolat apparaissant sur le seuil des Trois-Rois et
moi incontinent l’abordant pour le tirer par le bras et lui dire à l’oreille
que je cherchais pour quelques jours quelque « discrai logi ».
    — Ha ! Monsieur
l’Ecolier ! dit Cossolat en riant à gueule bec. Quel homme vous
faites ! À peine sorti des griffes de ce Roumieux, vous voilà vous
refourrant dans les pattes d’une louve !
    — Nenni, la louve est pour mon
frère et non pour moi.
    — Qu’ois-je ? Ne peut-il
lui-même chercher sa tanière ?
    — Ha, c’est qu’il ne le
pourrait, bel ange de Dieu qu’il est, mais sur terre fort rêveux, étant de
surcroît travaillé de repentailles dès le premier poutoune.
    — Certes, vous êtes un bon
frère ! dit Cossolat en riant de plus belle, vu que vous pensez à lui
faire exercer sa mentulle qui, sans vous, tomberait en quenouille et perdrait
son lait. Venez !
    Et me prenant par le bras, tout
rieur et se gaussant (lui, qui, de prime abord, avait un air si grave et si
sévère), il m’amena à pied et me tenant le bras, rue du Bayle, petite rue
donnant sur le côté de l’église Saint-Firmin, et là, me montrant une échoppe
surmontée d’un étage, il me dit :
    — Céans loge la Thomassine.
Elle tient boutique d’aiguilles ; mais à l’étage, loue des chambres à
d’aucuns bourgeois étoffés qui, pas plus que le chameau de l’Evangile, ne
rêvent de passer par le chas de l’aiguille (il rit à cette gausserie qu’il
avait faite plus d’une fois, je gage). La Thomassine, reprit-il, est apparue
dans cette ville il y a bientôt dix ans, chassée de ses monts des Cévennes par
une épouvantable disette qui fit périr tous les siens ; la pauvre garce, à
son arrivée en Montpellier, était elle-même si défaite et si démunie qu’elle
dut vendre son devant pour s’acheter un cache-cul.
    — Un cache-cul ? dis-je.
Qu’est cela ?
    — Un jupon, dans le parler de
Paris. Mais depuis ce jour, plaçant ses amitiés au denier 20 parmi ce qu’il y a
de mieux céans (et jusqu’à des chanoines de Notre-Dame-des-Tables), la
Thomassine a prospéré, possède petit pignon sur rue et logis fort commode, à quatre
toises de la porte latérale de Saint-Firmin. Il y a là une jolie
chatonie : Le chaland entre dans sa boutique comme pour acheter aiguilles
et fil, et se retrouve à l’étage où l’attend sa ribaude. Pour s’en aller, il
peut user d’une seconde issue qui débouche sur une étroite ruelle où pas une
souris ne passe.
    — Mais n’est-ce pas un
bordeau ? La dame est délicate…
    — Nenni ! On ne tient pas
céans boutique et marchandise de garces ! Comme dans les auberges
espagnoles, chacun n’y mange que ce qu’il y apporte. Monsieur l’Écolier, je
vous quitte. Le petit rideau rouge à l’étage a bougé, signe que la Thomassine
nous observe. Adieu. Vous lui plairez. C’est une belle et forte nature. D’avoir
connu tant d’hommes ne l’a pas dégoûtée de les aimer.
    Et tournant les talons, Cossolat me
quitta, à sa façon abrupte et militaire, me laissant tout surpris de sa
gaillarde humeur. Je regardai s’éloigner son dos carré. Mais quoi !
pensai-je, tout huguenot qu’il est, un Capitaine des archers n’est pas un
enfantelet dont on coupe le pain en tartines. Sans doute connaît-il tous les
pavés de sa ville, de jour comme de nuit, et tout ce qui se fait et défait
derrière le moindre mur.
    À peine avais-je mis le pied dans
l’aiguillerie de la

Weitere Kostenlose Bücher