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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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effet, il m’aimait. À quoi mes sentiments n’étaient pas sans
répondre, si grandes étaient en lui la bonhomie, la sagesse et l’amour des
hommes.
    — Fogacer, poursuivit-il, je ne
puis boire moi-même, vu le grand dérèglement de mes boyaux, mais baillez, je
vous prie, avant que de poursuivre, un verre de muscat à ce jeune lévite. Et
vous-même, buvez.
    — Grand merci ! dit
Fogacer. Il fait fort chaud, et j’ai grand soif.
    Tel un long et noir insecte, il
sautilla sur ses longues pattes jusqu’à une table que, sans doute il
connaissait bien, remplit deux gobelets d’un flacon qui se trouvait là et,
m’apportant le mien, il vida le sien lentement, mais d’affilée.
    — Ce vin n’est des pires,
dit-il en le goûtant sur sa langue après qu’il eut dans son gargamel disparu.
    Rondelet dit en souriant, et comme
heureux du plaisir que nous prenions et dont il était privé :
    — Mon gendre le Docteur
d’Assas, qui a une fort jolie vigne du côté de Frontignan, m’en baille deux
muids par an. Mais remplissez, Fogacer, de grâce, remplissez. Ne restez pas, le
palais sec, à dorloter le souvenir de ce muscat…
    — Mille mercis, dit Fogacer
sans se faire prier plus outre. Et il voulut derechef me régaler, mais je
refusai, voulant garder la tête froide pour le reste de mon examen.
    Le gobelet en main, Fogacer l’éleva
haut dans l’air et dit avec pompe :
    — Ad maximam gloriam domini
d’Assasii et venerandi cancellarii nostrae collegiae régis [50] .
    — Amen, dit Rondelet.
    Et debout, campé sur ses
interminables jambes, Fogacer fit couler lentement le précieux velours au long
de son gosier.
    — Monsieur le Chancelier,
dit-il avec un brillement de l’œil où peut-être le vin entrait pour une part
non petite, comme je me trouve être en ce logis l’unique représentant –
quoique indigne et de peu de foi – de l’Église catholique et romaine, je
voudrais ramentevoir aux deux huguenots présents que notre Saint Père
Boniface VIII a permis, dès l’année 1300, l’usage de la dissection à
d’aucuns médecins de Rome et de Boulogne.
    — Ab uno non disce omnes [51] , dit Rondelet, faisant un petit geste de la main comme pour écarter un
essaim de mouches. Peu importe la bénignité d’un Pape, si deux siècles et demi
plus tard, une nuée de prêtres continuent à nous harceler… Siorac, êtes-vous
bien rafraîchi ? Voulez-vous que nous poursuivions ?
    — Je suis à votre commandement,
Monsieur le Chancelier.
    — Fogacer, dit Rondelet,
avez-vous baillé à notre gentil Siorac vos notes sur mon Methodus [52]  ?
    — Oui-da, et déjà, combien
qu’il soit ici depuis peu, il a très diligemment étudié votre De morbo
italico.
    — Havre de grâce ! dit
Rondelet en riant, le joli drole est prudent et pense aux dangers qu’il court
en semant à tout vent ! Allons, Siorac, de grâce, ne sourcillez
point ! Point ne vous prêche. Ceci est dit par petite paternelle
gausserie.
    — Je l’entends bien ainsi,
monsieur notre maître.
    — Donc, poursuivons, et voyons
de quel profit vous fut l’étude de mon De morbo italico. Siorac, le mal
italien est-il intempérie froide et sèche ?
    — Nenni, monsieur le
Chancelier. C’est là l’erreur gravissime du docte Montan. Le mal italien est,
au contraire, intempérie chaude et humide.
    — Bene, bene. Et prend-il son origine comme d’aucuns docteurs médecins le
prétendent, de la conjonction de Saturne avec Mars et Vénus ?
    — Nenni. C’est là fantaisie
astrale, absurde et sans fondement.
    — Le mal se prend-il par
expiration d’haleine ?
    — Nenni. Mais par attouchement
vénérien. Un infecté n’infectera l’autre que par quelque liqueur découlant de
soi en quelque partie du corps de l’autre. Cependant, le mal se prend aussi par
linge infect.
    — Comment le mal est-il
connu ?
    — Quand, après le coït, sortent
à la mentulle, au front et à la tête, ulcère, pustules et boutons.
    — Comment se prémunir contre le
mal italien quand on a quelque soupçon d’avoir paillardé avec personne
infecte ?
    — En prenant purgation et en se
faisant tirer le sang.
    — Quel est le principe de la
curation du mal ?
    — Le mal venant de réplétion,
primo sera guéri par évacuation : clystère, purgation et saignée.
    Et ici, du coin de l’œil,
j’observais que Fogacer arquait le sourcil, et faisait la moue, comme en grande
doutance de ces remèdes.
    — Secundo ?
    — Il

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