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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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singulière idée.
    Durtal se taisait ; l'enfer se perpétuant à l'infini demeurait, en effet, gênant. La réplique qu'il est légitime que les peines soient éternelles puisque les récompenses le sont n'était pas décisive, car enfin le propre de la bonté parfaite serait justement d'abréger les châtiments et de prolonger les joies.
    Mais enfin, se dit-il, sainte Catherine de Gênes a élucidé cette question. Elle expose très bien que Dieu envoie un rayon de miséricorde, un courant de pitié dans les enfers, qu'aucun damné ne souffre autant qu'il mériterait de souffrir, que si l'expiation ne doit pas cesser, elle peut se modifier, s'atténuer, devenir, à la longue, moins rigoureuse, moins intense.
    Elle remarque aussi qu'au moment de se séparer du corps, l'âme s'entête ou cède ; si elle reste endurcie, si elle ne manifeste aucune contrition de ses fautes, la coulpe ne saurait lui être remise, car après la mort le franc-arbitre ne subsiste plus, la volonté que l'on possède, à l'instant où l'on sort de ce monde, reste invariable.
    Si, au contraire, elle ne persévère pas dans ses sentiments d'impénitence, une partie de la répression lui sera sans nul doute ôtée ; par conséquent, n'est voué à la géhenne continuelle, que celui qui, délibérément, ne veut pas, quand il en est temps encore, revenir à résipiscence, que celui qui se refuse à renier ses fautes.
    Ajoutons que, d'après la sainte, Dieu n'a même pas à faire évacuer l'âme pour jamais polluée sur les enfers, car elle y va d'elle-même, elle y est conduite par la nature même de ses péchés ; elle s'y précipite, comme en son propre bien, elle s'y engouffre naturellement, si l'on peut dire.
    En somme, on peut se figurer un enfer très petit et un purgatoire très grand ; on peut s'imaginer que l'enfer est peu peuplé, qu'il n'est réservé qu'aux cas de scélératesse rares, qu'en réalité la foule des âmes désincarnées se presse dans le purgatoire et y endure des corrections proportionnées aux méfaits qu'elles ont, ici-bas, voulus. Ces idées n'ont rien d'insoutenable et elles ont l'avantage d'accorder les idées de miséricorde et de justice.
    - Parfait ! répliqua railleusement la voix. Alors l'homme serait bien bon de se contraindre ; il peut voler, piller, tuer son père et violer sa fille, c'est le même prix ; pourvu qu'à la dernière minute il se repente, il est sauvé !
    - Mais non ! La contrition n'enlève que l'éternité de la peine et non la peine même ! Chacun doit être puni ou récompensé, selon ses oeuvres. Celui qui sera souillé d'un parricide ou d'un inceste supportera un châtiment autrement pénible, autrement long que celui qui ne les aura point commis ; l'égalité dans la souffrance piaculaire, dans la douleur réparatrice, n'existe pas.
    Au reste, cette idée d'une vie purgative après la mort est si naturelle, si certaine, que toutes les religions l'assument. Pour toutes, l'âme est une sorte d'aérostat qui ne peut monter, atteindre ses fins dernières dans l'espace, qu'en jetant son lest. Dans les cultes de l'Orient, l'âme, pour se dépurer, se réincarne ; elle se frotte dans de nouveaux corps, ainsi qu'une lame dans des couches de grès qui l'éclaircissent. Pour nous autres, catholiques, elle ne subit aucun avatar terrestre, mais elle s'allège, se dérouille, s'éclaire dans le purgatoire où Dieu la transforme, l'attire, l'extrait peu à peu de sa gangue de péchés, jusqu'à ce qu'elle puisse s'élever et se perdre en lui.
    Pour en finir avec cette irritante question d'un perpétuel enfer, comment ne point concevoir que la justice divine hésite, la plupart du temps, à prononcer d'inexorables arrêts. L'humanité est, en majeure partie, composée de scélérats inconscients et d'imbéciles qui ne se rendent même pas compte de la portée de leurs fautes. Ceux-là, leur parfaite incompréhension les sauve. Quant aux autres qui se putréfient, en sachant ce qu'ils font, ils sont évidemment plus coupables, mais la société qui hait les gens supérieurs se charge, elle-même, de les châtier ; elle les humilie, les persécute et il est dès lors permis d'espérer que notre-Seigneur prendra en pitié ces pauvres âmes si misérablement piétinées, pendant leur séjour sur la terre, par la cohue des mufles.
    - Alors il y a tout avantage à être un imbécile, car l'on est épargné sur la terre et au ciel.
    - Ah certes ! Et puis… et puis… à quoi sert de

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