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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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pas alors d'une sorte de dyspepsie d'âme, ne digérant plus les sujets coutumiers, cherchant pour se nourrir des ravigotes de songeries, des salaisons d'idées ; ce serait donc cette inappétence des repas sains qui aurait engendré cette convoitise de mets baroques, cet idéal trouble, cette envie de s'échapper hors de moi, de franchir, ne fût-ce que pendant une seconde, les lisières tolérées des sens.
    Dans ce cas, le catholicisme jouerait tout à la fois le rôle d'un révulsif et d'un déprimant. Il stimulerait ces souhaits maladifs et il me débiliterait en même temps, me livrerait, sans vigueur pour résister, à l'émoi de mes nerfs.
    A force de s'ausculter, en errant ainsi, il finissait par s'acculer dans une impasse, aboutissait à cette conclusion : je ne pratique pas ma religion parce que je cède à d'ignobles instincts et je cède à ces instincts parce que je ne pratique pas ma religion.
    Mais ainsi au pied du mur, il regimbait, se demandant si cette dernière observation était bien juste ; car enfin, rien ne prouvait qu'après s'être approché des sacrements, il ne serait pas attaqué plus violemment encore. C'était même probable, car le démon s'acharnait surtout sur les gens pieux.
    Puis il se révoltais contre la lâcheté de ces remarques, se criait : je me mens, car je sais bien que si je faisais seulement mine de me défendre, je serais Là-Haut puissamment aidé.
    Habile à se tourmenter, il continuait à se piétiner l'âme, toujours sur la même piste. Admettons, se disait-il, que, par impossible, j'aie maté mon orgueil et réduit mon corps, admettons qu'il ne me reste plus, à l'heure actuelle, qu'à aller de l'avant, eh bien ! Je suis encore arrêté, car le dernier obstacle à franchir m'effare.
    Jusqu'ici, j'ai pu marcher seul, sans une aide terrestre, sans un conseil ; j'ai pu me convertir, sans l'appui de personne, mais aujourd'hui, je ne puis plus faire un pas sans avoir un guide. Je ne puis m'approcher de l'autel, sans le secours d'un truchement, sans le renfort d'un prêtre.
    Et une fois de plus, il reculait, car il avait autrefois fréquenté un certain nombre d'ecclésiastiques et il les avait trouvés si médiocres, si tièdes, surtout si hostiles à la mystique, qu'il se révoltait rien qu'à l'idée de leur exposer le bilan de ses postulations et de ses regrets.
    Ils ne me comprendront pas, se disait-il, ils me répondront que la mystique était intéressante au Moyen Age, qu'elle est maintenant désuète, qu'elle est, en tout cas, en parfait désaccord avec le modernisme. Ils croiront que je suis fou, m'assureront d'ailleurs que Dieu n'en demande pas tant, m'engageront, en souriant, à ne pas me singulariser, à faire comme les autres, à penser comme eux.
    Je n'ai certes pas la prétention d'aborder, de moi-même, la voie mystique, mais enfin qu'ils me laissent au moins l'envier, qu'ils ne m' infligent pas leur idéal bourgeois d'un Dieu !
    Car, il n'y a pas à se leurrer, le catholicisme n'est point seulement cette religion tempérée qu'on nous propose ; il ne se compose pas seulement de petites cases et de formules ; il ne réside pas en entier dans d'étroites pratiques, dans des amusettes de vieille fille, dans toute cette bondieusarderie qui s'épand le long de la rue de Saint-Sulpice ; il est autrement surélevé, autrement pur ; mais alors il faut pénétrer dans sa zône brûlante, il faut le chercher dans la mystique qui est l'art, qui est l'essence, qui est l'âme de l'Eglise même.
    En usant des puissants moyens dont elle dispose, il s'agit alors de faire le vide en soi, de se dénuder l'âme, de telle sorte que, s'il le veut, le Christ puisse y descendre ; il s'agit de désinfecter le logis, de le passer au chlore des prières, au sublimé des sacrements ; il s'agit, en un mot, d'être prêt quand l'hôte viendra et nous ordonnera de nous transvaser en lui, tandis que lui-même se fondra en nous.
    Je sais, parbleu bien, que cette alchimie divine, que cette transmutation de la créature humaine en Dieu est, la plupart du temps, impossible, car le Sauveur réserve d'habitude ces extraordinaires faveurs à ses élus, mais enfin, si indigne qu'il soit, chacun est présumé pouvoir atteindre ce but grandiose, puisque c'est Dieu seul qui décide et non l'homme, dont l'humble concours est seulement requis.
    Je me vois raconter cela à des prêtres ! Ils me diront que je n'ai pas à m' occuper d'idées mystiques et ils me présenteront en échange

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