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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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venir le voir, il y était plusieurs fois allé.
    Il avait toujours été cordialement reçu. A diverses reprises, il avait habilement tâté ce vieillard sur quelques questions. Il répondait évasivement lorsqu'il s'agissait de ses confrères. Il ne paraissait point, cependant, en faire grand cas, si l'on en jugeait par ce qu'il avait répliqué, un jour, à Durtal qui lui reparlait de cet aimant de douleurs que fut Lydwine.
    - Voyez-vous, une âme faible et probe a tout avantage à se choisir un confesseur, non dans le clergé qui a perdu le sens de la mystique, mais chez les moines. Eux seuls connaissent les effets de la loi de substitution et s'ils voient que, malgré ses efforts, le pénitent succombe, ils finissent par le délivrer, en prenant à leur compte ses tentations ou en les expédiant dans un couvent de province où des gens résolus les usent.
    Une autre fois, la question des nationalités était discutée dans un journal que lui montrait Durtal ; l'abbé avait haussé les épaules et repoussé les balivernes du chauvinisme. Pour moi, avait-il affirmé placidement, pour moi, la patrie, c'est où je prie bien.
    Qu'était ce prêtre ? Il ne le savait, au juste. Par le libraire, il avait appris que l'abbé Gévresin était incapable, à cause de son grand âge et de ses infirmités, d'exercer régulièrement le sacerdoce. Je sais que, lorsqu'il le peut, il célèbre encore la messe, le matin, dans un couvent ; je crois aussi qu'il confesse chez lui quelques confrères ; et Tocane avait dédaigneusement ajouté : il a à peine de quoi vivre et il ne doit pas être bien vu à l'archevêché, à cause de ses idées mystiques.
    Là s'arrêtaient ses renseignements. Il est évidemment un très bon prêtre, se répétait Durtal ; sa physionomie même le détermine et c'est une contradiction de la bouche et des yeux qui avère cette certitude d'une bonté parfaite ; ses lèvres, un peu grosses et violettes, toujours humides, sourient d'un sourire affectueux, mais presque triste, que démentent ses yeux bleus d'enfant, des yeux qui rient, étonnés, sous d'épais sourcils blancs, dans son visage un peu rouge, piqueté sur les joues tel qu'un abricot mûr, de points de sang.
    En tout cas, conclut Durtal qui sortit de ses rêveries, j'ai eu bien tort de ne pas continuer les relations que j'avais entamées avec lui.
    Oui, mais voilà, rien n'est plus difficile que d'entrer dans la réelle intimité d'un prêtre ; d'abord, par l'éducation même qu'il reçut au séminaire, l'ecclésiastique se croit obligé de se disséminer, de ne pas se concentrer en des affections particulières ; puis il est, ainsi que le médecin, un homme harassé d'occupations et introuvable. On les voit, quand on les joint, l'un et l'autre, entre deux confessions ou deux visites. L'on n'est pas avec cela bien certain du bon aloi de l'accueil empressé du prêtre, car il est le même pour tous ceux qui l'approchent ; enfin ne visitant pas l'abbé Gévresin pour réclamer des secours ou des soins, j'ai eu peur de l'embarrasser, de lui faire perdre son temps et je me suis par discrétion abstenu d'aller le voir.
    J'en suis maintenant fâché ; voyons, si je lui écrivais ou si j'y retournais, un matin ; mais pour quoi lui dire ? Encore faudrait-il savoir ce que l'on veut pour se permettre de le relancer. Si j'y vais seulement pour geindre, il me répondra que j'ai tort de ne pas communier, et que lui répliquerai-je ? Non, ce qu'il faudrait, ce serait le croiser comme par hasard sur les quais où il bouquine parfois ou chez Tocane, car alors je pourrais l'entretenir d'une façon plus intime, en quelque sorte moins officielle, de mes oscillations et de mes regrets.
    Et Durtal se mit à battre les quais et n'y rencontra pas une seule fois l'abbé. Il se rendit chez le libraire sous le prétexte de feuilleter ses livres, mais, dès qu'il eut prononcé le nom de Gévresin, Tocane s'écria : "je suis sans nouvelles de lui ; il y a deux mois qu'il n'est venu !"
    Il n'y a pas à tergiverser, il va falloir le déranger chez lui, se dit Durtal, mais il se demandera pourquoi je reviens, après une si longue absence. Outre la gêne que j'éprouve à retourner chez les personnes que j'ai délaissées, il y a encore cet ennui de penser qu'en m'apercevant l'abbé soupçonnera aussitôt un but intéressé à ma visite. Ce n'est vraiment pas commode ; si j'avais seulement un bon prétexte ; il y aurait bien cette vie de Lydwine qui

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