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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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contraire, il se révoltait et se criait, furieux : c'est bête, à la fin, je me suis gâté le seul plaisir qui me restait, la chair. Jadis, je m'amusais et ne me répugnais point ; aujourd'hui, je paye mes pauvres godailles par des tourments. J'ai ajouté un ennui de plus dans mon existence ; ah ! si c'était à refaire !
    Et vainement, il se mentait, tentait de se justifier, en se suggérant des doutes.
    Et si tout cela n'était pas véritable ? S'il n'y avait rien ? Si je me trompais ? Si les libres penseurs avaient raison ?
    Mais il était bien obligé de se prendre en pitié, car il sentait très distinctement, au fond de lui, qu'il possédait l'inébranlable certitude de la vraie Foi.
    Ces discussions sont misérables et ces excuses que je cherche à mes saletés sont odieuses, se disait-il : et une flambée d'enthousiasme jaillissait en lui.
    Comment douter de la véracité des dogmes, comment nier la puissance divine de l'Eglise, mais elle s'impose !
    D'abord elle a son art surhumain et sa mystique, puis n'est-elle donc pas surprenante la persistante inanité des hérésies vaincues ? Toutes, depuis que le monde existe, ont eu pour tremplin la chair. Logiquement, humainement, elles devaient triompher, car elles permettaient à l'homme et à la femme de satisfaire leurs passions, soi-disant en ne péchant pas, en se sanctifiant même comme les gnostiques, en rendant par les plus basses turpitudes hommage à Dieu.
    Que sont-elles devenues ? Toutes ont sombré. L'Eglise, si inflexible sur cette question, est demeurée entière et debout. Elle ordonne au corps de se taire, à l'âme de souffrir et, contre toute vraisemblance, l'humanité l'écoute et balaie, tel qu'un fumier, les séduisantes allégresses qu'on lui propose.
    N'est-elle pas décisive aussi cette vitalité que conserve l'Eglise, malgré l'insondable stupidité des siens ? Elle a résisté à l'inquiétante sottise de son clergé, elle n'a pas même été entamée par la maladresse, par le manque de talent de ses défenseurs ! c'est cela qui est fort !
    Non, plus j'y songe, s'écriait-il, plus je la trouve prodigieuse, unique ! Plus je suis convaincu qu'une seule détient la vérité, qu'hors d'elle, ce ne sont plus que des luxations d'esprit, que des impostures, que des esclandres ! - L'Eglise, elle est le haras divin et le dispensaire céleste des âmes ; c'est elle qui les allaite, qui les élève, qui les panse ; elle, qui leur notifie, quand le temps des douleurs est venu, que la vie réelle ne commence pas à la naissance, mais bien à la mort. L'Eglise, elle est indéfectible, elle est suradmirable, elle est immense…
    Oui, mais alors, il faudrait suivre ses prescriptions et pratiquer les sacrements qu'elle exige !
    Et Durtal, en hochant la tête, ne se répondait plus.
    q

Chapitre 3
    C omme tous les incrédules il s'était dit, avant sa conversion : moi, si je croyais que Jésus est Dieu et que la vie éternelle n'est pas un leurre, je n'hésiterais point à renverser mes habitudes, à suivre autant que possible les règles religieuses, à demeurer, en tout cas, chaste. Et il s'étonnait que des gens qu'il avait connus et qui se trouvaient dans ces conditions n'eussent pas une attitude supérieure à la sienne. Lui, qui s'accordait depuis si longtemps d'indulgents pardons, devenait d'une singulière intolérance, dès qu'il s'agissait d'un catholique.
    Il comprenait maintenant l'iniquité de ses jugements, se rendait compte qu'entre croire et pratiquer l'abîme le plus difficile à franchir existe.
    Il n'aimait pas à se disputer sur cette question, mais elle revenait et l'obsédait quand même et il était bien obligé de s'avouer alors la mesquinerie de ses arguments, les méprisables raisons de ses résistances.
    Il était encore assez franc pour se dire : je ne suis plus un enfant ; si j'ai la foi, si j'admets le catholicisme, je ne puis le concevoir, tiède et flottant, continuellement réchauffé par le bain-marie d'un faux zèle. Je ne veux pas de compromis et de trêves, d'alternances de débauches et de communions, de relais libertins et pieux, non, tout ou rien ; se muer de fond en comble ou ne rien changer !
    Et aussitôt, il reculait épouvanté, essayait de fuir devant ce parti qu'il s'agissait de prendre, s'ingéniait à se disculper en ergotant pendant des heures, invoquait les plus piètres motifs pour demeurer tel qu'il était, pour ne pas bouger.
    Comment faire ? Si je n'obéis pas à des ordres

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