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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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l'échange des antiennes et des répons, après l'oremus, le prêtre montait à l'autel, les épaules et les mains enveloppées de l'écharpe de soie blanche, pour saisir l'ostensoir, alors, aux sons grêles et précipités des timbres, un vent passait qui fauchait d'un seul coup les têtes.
    Et c'était dans ces groupes embrasés d'âmes une plénitude de recueillement, une réplétion de silence inouï, jusqu'à ce que les timbres retentissant encore invitassent la vie humaine interrompue à s'envelopper d'un grand signe de croix et à reprendre son cours.
    Le Laudate n'était pas terminé que Durtal sortait, avant que la foule ne se fût écoulée de l'église.
    - Vraiment, se disait-il, en rentrant chez lui, la ferveur de ces fidèles qui ne sont plus, ainsi que dans les autres paroisses, des clients de quartier, mais des pèlerins venus de partout et d'on ne sait où, détonne dans la goujaterie de ce sot temps.
    Puis on écoute au moins à Notre-Dame des chants curieux ; et il resongeait à ces étranges litanies qu'il n'avait jamais entendues que là ; et il en avait pourtant subi de toutes les sortes, dans les églises ! A Saint-Sulpice, par exemple, elles se débitaient sur deux airs. Quand la maîtrise fonctionnait, elles se déroulaient sur une mélodie de plain-chant, mugie par le gong d'une basse auquel répondait le fifre pointu des gosses ; mais, pendant le mois du Rosaire, tous les jours, sauf le jeudi, l'on confiait à des demoiselles le soin de les égrener, le soir, et c'était alors, autour d'un harmonium enrhumé, une troupe de jeunes et de vieilles oies qui, dans une musique de foire, faisaient tourner la Vierge sur ses litanies comme sur des chevaux de bois.
    Dans d'autres églises, à Saint-Thomas d'Aquin, par exemple, où elles étaient également égouttées par des 6 femmes, les litanies étaient poudrées à frimas et parfumées à la bergamote et à l'ambre. Elles étaient, en effet, adaptées à un air de menuet et elles ne déparaient pas ainsi l'architecture d'opéra de cette église, en présentant une Vierge qui marchait à petits pas, en pinçant de deux doigts sa jupe, s'inclinait dans de belles révérences, se reculait dans de grands saluts. Cela n'avait évidemment rien à voir avec la musique religieuse, mais ce n'était pas au moins désagréable à entendre ; il eût seulement fallu, pour que l'accord fût complet, substituer un clavecin à l'orgue.
    Mais ce qui était autrement intéressant que ces fredons laïques, c'était le plain-chant qu'on chantait plus ou moins mal, ainsi que partout ailleurs, mais enfin qu'on chantait, lorsqu'il n'y avait pas de cérémonie de gala, à Notre-Dame.
    On ne s'y conduisait pas de même qu'à Saint-Sulpice et dans les autres églises, où, presque toujours, on habille le Tantum ergo de flons-flons imbéciles, de mélodies pour fanfare militaire et pour banquet.
    L'Eglise ne permettait pas de toucher au texte même de Saint Thomas d'Aquin, mais elle laissait le premier maître de chapelle venu supprimer ce plain-chant qui l'avait enveloppé dès sa naissance, qui l'avait pénétré jusqu'aux moelles, qui adhérait à chacune de ses phrases, qui faisait corps et âme avec lui.
    C'était monstrueux ; et il fallait réellement que les curés eussent perdu, non pas le sens de l'art, - puisqu'ils ne l'ont jamais eu, - mais le sens le plus élémentaire de la liturgie, pour accepter de semblables hérésies, pour supporter de pareils attentats dans leurs églises !
    Ces souvenirs exaspéraient Durtal ; mais il revenait peu à peu à Notre-Dame-des-Victoires et se calmait. Celle-là, il avait beau l'examiner sur toutes ses faces, elle n'en restait pas moins mystérieuse, pas moins, à Paris, unique.
    A la Salette, à Lourdes, il y avait eu des apparitions. - Qu'elles aient été authentiques ou controuvées, peu m' importe, se disait-il, car, en supposant que la Vierge n'y fut pas au moment où l'on proclamait sa venue, elle y fut attirée et elle y demeure maintenant, liée par l'afflux des prières, par les effluences jaillies de la foi des foules ; des miracles s'y sont produits ; il n'est pas étonnant, dès lors, que des masses pieuses s'y rendent ; mais, ici, à Notre-Dame-des-Victoires, il n'y eut aucune apparition ; aucune Mélanie, aucune Bernadette n'y ont vu et décrit l'apparence lumineuse d'une "belle Dame". Il n'y a ni piscines, ni services médicaux, ni guérisons publiques, ni cimes de montagne, ni grotte ; il n'y a

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