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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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tout art en France !
    Pour sauver l'Eglise, il reste le moine que le prêtre abomine, car la vie du cloître est pour son existence à lui un constant reproche, continua Durtal ; pourvu que je ne perde pas encore des illusions, en voyant de près un monastère ! - mais non, je suis protégé, j'ai de la chance ; j'ai découvert, à Paris, l'un des seuls abbés qui ne fût ni un indifférent, ni un cuistre ; pourquoi ne serais-je pas en contact, dans une abbaye, avec d'authentiques moines ?
    Il alluma une cigarette, inspecta le site par la portière du wagon ; le train dévalait dans des campagnes au-devant desquelles dansaient, dans des bouffées de fumée, des fils de télégraphe ; le paysage était plat, sans intérêt. Durtal se renfrogna dans son coin.
    L'arrivée dans le couvent m' inquiète, murmura-t-il ; puisqu'il n'y a pas à proférer d'inutiles paroles, je me bornerai à présenter au père hôtelier sa lettre ; ah ! Et puis ça s'arrangera tout seul !
    Il se sentait, en somme, une placidité parfaite, s'étonnait de n'éprouver aucune soûleur, aucune crainte, d'être même presque rempli d'entrain ; - allons, mon brave prêtre avait raison de me soutenir que je me forgeais des monstres d'avance… et il resongea à l'abbé Gévresin, fut surpris, depuis qu'il le fréquentait, de ne rien savoir sur ses antécédents, de n'être pas plus entré dans son intimité qu'au premier jour ; au fait, il n'aurait tenu qu'à moi de l'interroger discrètement, mais l'idée ne m'en est jamais venue ; il est vrai que notre liaison s'est exclusivement confinée dans des questions de religion et d'art ; cette perpétuelle réserve ne crée pas des amitiés bien vibrantes, mais elle institue une sorte de jansénisme de l'affection qui n'est pas sans charme.
    Dans tous les cas, cet ecclésiastique est un saint homme ; il n'a même rien de l'allure tout à la fois pateline et réservée des autres prêtres. Sauf certains de ses gestes, sa façon de se couler le bras dans la ceinture, de se fourrer les mains dans les manches, de marcher volontiers à reculons quand on cause, sauf son innocente manie d'entrelarder de latin ses phrases, il ne rappelle ni l'attitude, ni le parler démodé de ses confrères. Il adore la mystique et le plain-chant ; il est exceptionnel ; aussi, comme il me fut, Là-Haut, soigneusement choisi !
    - Ah ça ! Mais, voyons, nous devons aborder, soupira-t-il, en consultant sa montre, je commence à avoir faim ; allons, cela va bien, dans un quart d'heure nous serons à Saint-Landry.
    Il tapota les vitres du wagon, regarda courir les champs et s'envoler les bois, fuma des cigarettes, ôta sa valise des filets, atteignit enfin la station et descendit.
    Sur la place même où s'élevait la minuscule gare, il reconnut l'auberge que lui avait indiquée l'abbé. Il aborda dans une cuisine une bonne femme qui lui dit : c'est bien, monsieur, asseyez-vous, on attellera pendant le repas.
    Et il se reput d'incomestibles choses, se vit apporter une tête de veau oubliée dans un baquet, des côtelettes mortifiées, des légumes noircis par le jus des poêles. Dans les dispositions où il était, il s'amusa de ce déjeuner infâme, se rabattit sur un petit vin qui limait la gorge, but, résigné, un café qui déposait de la terre de bruyère au fond des tasses.
    Puis, il escalada un tape-cul que conduisait un jeune homme et, ventre à terre, le cheval fila à travers le village et s'engagea dans la campagne.
    Chemin faisant, il demanda au conducteur quelques renseignements sur la Trappe ; mais ce paysan ne savait rien : - j'y vais souvent, fit-il, mais je n'entre pas ; la carriole reste à la porte ; alors, vous comprenez, je ne saurais pas vous raconter…
    Ils galopèrent pendant une heure sur les routes ; puis le paysan salua du fouet un cantonnier et s'adressant à Durtal :
    - On dit que les fourmis leur mangent le ventre.
    Et comme Durtal réclamait des explications.
    - Bé oui, c'est des faignants ; ils sont toujours couchés, l'été, le ventre à l'ombre.
    Et il se tut.
    Durtal ne pensait plus à rien ; il digérait, en fumant abasourdi par le roulis de la voiture.
    Au bout d'une autre heure, ils débouchèrent en plein bois.
    - Nous approchons ?
    - Oh, pas encore !
    - On l'aperçoit de loin la Trappe ?
    - Que non ! - il faut avoir le nez dessus pour qu'on la voie ; elle est dans un bas-fond, au sortir d'une allée, tenez, on dirait celle-là, fit le paysan, en montrant un

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