En Route
parut ; il était jeune et souriait.
Il lut la lettre, puis il prit la main de Durtal, étonné, l'emmena silencieux au travers de la cour jusqu'à l'autre aile du bâtiment, poussa une porte, trempa son doigt dans un bénitier et le lui présenta.
Ils étaient dans une chapelle. Le moine invita d'un signe Durtal à s'agenouiller sur une marche, devant l'autel, et il pria à voix basse ; puis il se releva, retourna lentement jusqu'au seuil, offrit encore à Durtal l'eau bénite et, toujours sans desserrer les lèvres et le tenant par la main, il le ramena d'où ils étaient venus, à l'auditoire.
Là, il s'enquit de la santé de l'abbé Gévresin, saisit la valise et ils montèrent dans un immense escalier menaçant ruine. En haut de cet escalier qui n'avait qu'un étage, s'étendait, troué d'une large fenêtre au centre, un vaste palier, borné, à chacune de ses extrémités, par une porte.
Le P. Etienne pénétra dans celle de droite, franchit un spacieux vestibule, introduisit Durtal dans une chambre qu'une étiquette, imprimée en gros caractères, plaçait sous le vocable de saint Benoît, et dit :
- Je suis confus, Monsieur, de ne pouvoir mettre à votre disposition que ce logement peu confortable.
- Mais il est très bien, s'écria Durtal. - Et la vue est charmante, reprit-il, en s'approchant de la fenêtre.
- Vous serez au moins en bon air, dit le moine, qui ouvrit la croisée.
Au-dessous s'étalait ce verger que Durtal avait traversé, sous la conduite du frère concierge, un clos plein de pommiers rabougris et perclus, argentés par des lichens et dorés par des mousses ; puis au dehors du monastère, par-dessus les murs, grimpaient des champs de luzerne coupés par une grande route blanche qui disparaissait à l'horizon dentelé par des feuillages d'arbres.
- Voyez, monsieur, reprit le P. Etienne, ce qui vous manque dans cette cellule et dites-le-moi bien simplement, n'est-ce pas ? Car autrement, vous nous réserveriez à tous deux des regrets, à vous qui n'auriez pas osé réclamer ce qui vous était utile, à moi qui m'en apercevrais plus tard et serais peiné de mon oubli.
Durtal le regardait, rassuré par ces allures franches ; c'était un jeune père, d'une trentaine d'années environ. La figure, vive, fine, était striée de fibrilles roses sur les joues ; ce moine portait toute sa barbe et autour de la tête rasée courait un cercle de cheveux bruns. Il parlait un peu vite, souriait, les mains passées dans la large ceinture de cuir qui lui ceignait les reins.
- Je reviendrai tout à l'heure, car j'ai un travail pressé à finir, dit-il ; d'ici-là, tâchez de vous installer le mieux possible ; si vous en avez le temps, jetez aussi un coup d'oeil sur la règle que vous aurez à suivre dans ce monastère… elle est inscrite sur l'une de ces pancartes… là, sur la table ; nous en causerons, après que vous en aurez pris connaissance, si vous le voulez bien.
Et il laissa Durtal seul.
Celui-ci fit aussitôt l'inventaire de la pièce. Elle était très haute de plafond, très peu large, avait la forme d'un canon de fusil, et l'entrée était à l'un de ses bouts et la fenêtre à l'autre.
Au fond, dans un coin, près de la croisée, était un petit lit de fer et une table de nuit ronde, en noyer. Au pied du lit couché le long de la muraille, il y avait un prie-dieu en reps fané, surmonté d'une croix et d'une branche de sapin sec ; en descendant, toujours le long de la même paroi, il trouva une table de bois blanc recouverte d'une serviette, sur laquelle étaient placés un pot à l'eau, une cuvette et un verre.
La cloison opposée à ce mur était occupée par une armoire, puis par une cheminée sur le panneau de laquelle était plaqué un crucifix, enfin par une table plantée vis-à-vis du lit, alors près de la fenêtre ; trois chaises de paille complétaient l'ameublement de cette chambre.
- Jamais je n'aurai assez d'eau pour me laver, se dit Durtal, en jaugeant le minuscule pot à l'eau qui mesurait bien la valeur d'une chopine ; puisque le père Etienne se montre si obligeant, je vais lui demander une ration plus lourde.
Il vida sa valise, se déshabilla, substitua à sa chemise empesée une chemise de flanelle, aligna ses outils de toilette sur le lavabo, plia son linge dans l'armoire ; puis il s'assit, embrassa la cellule d'un regard et la jugea suffisamment confortable et surtout très propre.
Il alla ensuite vers la table sur laquelle étaient
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