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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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chemin touffu qu'ils allaient prendre.
    Et, en v' là un qui en vient, fit-il, en désignant une espèce de vagabond qui coupait, à travers les taillis, à grands pas.
    Et il exposa à Durtal que tout mendiant avait le droit de manger et même de coucher à la Trappe ; on lui servait l'ordinaire de la communauté dans une pièce à côté de la loge du frère concierge, mais il ne pénétrait pas dans le couvent.
    Et Durtal le questionnant sur l'opinion des villages environnants au sujet des moines, le paysan eut sans doute peur de se compromettre, car il répondit :
    - Il y en a qui n'en disent rien.
    Durtal commençait à s'ennuyer, quand, enfin, au détour d'une allée, il aperçut une immense bâtisse, au-dessus de lui.
    - La v' là, la Trappe ! fit le paysan qui prépara ses freins pour la descente.
    De la hauteur où il était, Durtal plongeait par-dessus les toits, considérait un grand jardin, des bois et devant eux une formidable croix sur laquelle se tordait un Christ.
    Puis la vision disparut, la voiture reprenait à travers les taillis, descendait par des chemins en lacets dont les feuillages interceptaient la vue.
    Ils aboutirent enfin, après de lents circuits, à un carrefour au bout duquel se dressait une muraille percée d'une large porte. La carriole s'arrêta.
    - Vous n'avez qu'à sonner, dit le paysan qui indiqua à Durtal une chaîne de fer pendant le long du mur ; et il ajouta :
    - Faudra-t-il que je revienne vous chercher demain ?
    - Non.
    - Alors vous restez ? - et le paysan le regarda stupéfié et il tourna bride et remonta la côte.
    Durtal demeurait anéanti, la valise à ses pieds, devant cette porte ; le coeur lui battait à grands coups ; toute son assurance, tout son entrain s'effondraient ; il balbutiait : qu'est-ce qui va m'arriver là-dedans ?
    En un galop de panique, passait devant lui la terrible vie des Trappes : le corps mal nourri, exténué de sommeil, prosterné pendant des heures sur les dalles ; l'âme, tremblante, pressée à pleines mains, menée militairement, sondée, fouillée jusque dans ses moindres replis ; et, planant sur cette déroute de son existence échouée, ainsi qu'une épave, le long de cette farouche berge, le mutisme de la prison, le silence affreux des tombes !
    Mon Dieu, mon Dieu, ayez pitié de moi, dit-il en s'essuyant le front.
    Machinalement, il jetait un coup d'oeil autour de lui, comme s'il attendait une assistance ; les routes étaient désertes et les bois vides ; l'on n'entendait aucun bruit, ni dans la campagne, ni dans la Trappe.
    Il faut pourtant que je me décide à sonner ; - et, les jambes cassées, il tira la chaîne.
    Un son de cloche, lourd, rouillé, presque bougon, retentit de l'autre côté du mur.
    Tenons-nous, ne soyons pas ridicule, murmurait-il, en écoutant la claquette d'une paire de sabots derrière la porte.
    Celle-ci s'ouvrit et un très vieux moine, vêtu de la bure brune des capucins, l'interrogea du regard.
    - Je viens pour une retraite et je voudrais voir le Père Etienne.
    Le moine s'inclina, empoigna la valise et fit signe à Durtal de le suivre.
    Il allait, courbé, à petits pas, au travers d'un verger. Ils atteignirent une grille, se dirigèrent sur la droite d'un vaste bâtiment, d'une espèce de château délabré, flanqué de deux ailes en avance sur une cour.
    Le frère entra dans l'aile qui touchait à la grille. Durtal enfila après lui un corridor percé de portes peintes en gris ; sur l'une d'elles, il lut ce mot : "Auditoire".
    Le trappiste s'arrêta devant, souleva un loquet de bois, installa Durtal dans une pièce et l'on entendit, au bout de quelques minutes, des appels répétés de cloche.
    Durtal s'assit, inspecta ce cabinet très sombre, car la fenêtre était à moitié bouchée par des volets. Il y avait pour tout mobilier : au milieu, une table de salle à manger couverte d'un vieux tapis ; dans un coin un prie-dieu au-dessus duquel était clouée une image de saint Antoine de Padoue berçant l'enfant Jésus dans ses bras ; un grand Christ pendait sur un autre mur ; çà et là, étaient rangés deux fauteuils voltaire et quatre chaises.
    Durtal ôta de son portefeuille la lettre d'introduction destinée au père. Quel accueil va-t-il me faire ? Se demandait-il ; celui-là peut parler, au moins ; enfin, nous allons voir, reprit-il, en écoutant des pas.
    Et un moine blanc, avec un scapulaire noir dont les pans tombaient, l'un sur les épaules, l'autre sur la poitrine,

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