Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890

me suis pas arrêté pour demander des explications ; je me suis sauvé. Nous n’étions pas nombreux, et je ne souhaitais pas me battre. »
    Il découvrit ce qui s’était passé au village d’Hooker Jim un ou deux jours plus tard, lorsque Hooker Jim lui-même se présenta devant son bastion, accompagné de Curly Headed Doctor, Boston Charley et onze autres Modocs. Jack apprit ainsi de leur bouche qu’au moment où les soldats arrivaient dans son propre village, plusieurs colons étaient entrés dans leur campement et avaient commencé à leur tirer dessus. Ils avaient tué un bébé arraché aux bras de sa mère, abattu une vieille femme et blessé plusieurs hommes. Avant d’arriver dans les champs de lave, Hooker Jim et ses hommes avaient décidé de venger la mort des leurs. Ils s’étaient arrêtés dans des fermes isolées et avaient tué douze colons.
    Jack pensa tout d’abord que Hooker Jim faisait le fanfaron. Mais les autres confirmèrent ses dires. En entendant les noms des Blancs abattus, Jack ne voulut pas en croire ses oreilles. Certains étaient des colons qu’il connaissait et appréciait. « Pour quelle raison avez-vous tué ces gens ? Je ne vous ai jamais demandé de tuer mes amis. Vous seuls êtes responsables. »
    Captain Jack était à présent certain que les soldats viendraient assouvir leur soif de vengeance, jusqu’à ces immensités désolées qu’étaient les champs de lave s’il le fallait. Et en tant que chef des Modocs, il devrait répondre des crimes de Hooker Jim et de ses acolytes.
    Les soldats n’arrivèrent qu’à la Lune-de-glace. Le 13 janvier 1873, les Modocs qui montaient la garde à l’extérieur du cratère repérèrent un groupe de Tuniques Bleues approchant d’un promontoire qui surplombait les champs de lave. Ils les repoussèrent en leur tirant dessus. Mais trois jours plus tard, ce furent deux cent vingt-cinq soldats réguliers renforcés par un groupe de cent quatre volontaires de l’Oregon et de Californie qui surgirent du brouillard, tels des fantômes. Les troupes prirent position sur les arêtes qui faisaient face au bastion de Captain Jack. La nuit tombée, les Tuniques Bleues firent des feux d’armoise pour se réchauffer. Leurs commandants espéraient qu’en voyant l’importance des forces déployées contre eux, les Modocs capituleraient.
    Captain Jack prônait la reddition. Il savait que les soldats voulaient avant tout les Modocs qui avaient tué les colons, et préférait lier son sort au leur en se rendant plutôt que de livrer une bataille sanglante par laquelle serait sacrifiée la vie de son peuple tout entier.
    Mais pour Hooker Jim, Curly Headed Doctor et ceux qui avaient participé au meurtre des colons, la capitulation était hors de question. Ils forcèrent Jack à convoquer un conseil pour décider par vote de ce qu’il fallait faire. Des cinquante et un guerriers qui défendaient le bastion, seuls quatorze se déclarèrent prêts à se rendre. Les trente-sept autres choisirent de combattre les soldats, jusqu’à la mort si nécessaire.
    Le 17, avant l’aube, les clairons des soldats retentirent dans le brouillard recouvrant les champs de lave. Quelques instants plus tard, les grondements des obusiers signalèrent le début de l’attaque des Tuniques Bleues. Les Modocs se tenaient prêts. Se confondant avec la végétation grâce aux branches d’armoise qu’ils avaient accrochées sur leur tête, ils se faufilèrent d’une crevasse à l’autre et abattirent les soldats qui se trouvaient en première ligne.
    À midi, les attaquants étaient étalés sur presque deux kilomètres, avec des possibilités de communication fortement réduites par le brouillard et le terrain. Tout en restant à couvert, les Modocs couraient d’une extrémité à l’autre du front, donnant ainsi l’illusion du nombre. Une compagnie de soldats qui s’approchait du cratère essuya les tirs nourris des guerriers, mais aussi des femmes qui s’étaient jointes à eux. Vers la fin de la journée, à la suite d’une charge menée par Jack et Ellen’s Man, les Tuniques Bleues se retirèrent, abandonnant leurs morts sur place.
    Juste avant le coucher du soleil, le brouillard se leva, révélant le spectacle des soldats qui battaient en retraite vers leur campement sur la crête. Les guerriers sortirent de leurs retranchements, s’approchèrent des Tuniques Bleues tuées, et récupérèrent neuf carabines et six cartouchières. Un peu plus