Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
transférer de force les Indiens. Le 28 novembre 1872, par une pluie glaciale, le chef d’escadron James Jackson et une compagnie de trente-huit cavaliers du 1 er de cavalerie quittèrent Fort Klamath et se dirigèrent vers la Lost.
Arrivés juste avant l’aube au village modoc, ils mirent pied à terre et, prêts à faire feu, encerclèrent les tipis. Scarfaced Charley et quelques autres Indiens en sortirent armes à la main. Jackson demanda à voir leur chef. Lorsque Jack arriva, Jackson lui expliqua que le Grand Père lui avait ordonné de ramener les Modocs à la réserve klamath.
« J’irai, déclara Jack. J’emmènerai mon peuple avec moi, mais je ne croirai pas un mot de ce que vous autres Blancs me dites. Vous voyez, vous venez dans mon village alors qu’il fait encore sombre. Vous nous faites peur, à moi et à mon peuple, en agissant de la sorte. Je n’ai pas l’intention de me sauver. Venez à moi en hommes quand vous voulez me voir ou me parler. »
Jackson expliqua qu’il ne cherchait pas les ennuis, puis demanda à Jack de rassembler ses hommes devant les soldats. Cela fait, il montra du doigt un buisson d’armoises près des soldats. « Déposez vos armes là-bas, dit-il.
— Pourquoi ? voulut savoir Jack.
— C’est toi le chef. Si tu poses ton arme, tes hommes feront de même. Vas-y, et il n’y aura aucun problème. »
Captain Jack eut un moment d’hésitation. Il savait que ses guerriers refuseraient de se désarmer. « Je ne me suis encore jamais battu contre les Blancs, dit-il, et je n’en ai pas l’intention. »
Jackson insista. « Je ne laisserai personne vous faire du mal », promit-il.
Captain Jack déposa son arme et fit signe aux autres de l’imiter. Ils s’avancèrent l’un après l’autre et empilèrent leurs armes à l’endroit indiqué. Dernier de la file, Scarfaced Charley plaça son fusil en haut du tas, mais garda le pistolet qu’il portait à son ceinturon.
Jackson lui ordonna de le déposer.
« Tu as mon fusil, répliqua Scarfaced.
— Désarmez-le ! ordonna Jackson au lieutenant Frazier Boutelle.
— Donne-moi ce pistolet ! Tout de suite ! » cria Boutelle en avançant.
Scarfaced Charley partit d’un éclat de rire. Il déclara qu’il n’était pas un chien pour qu’on lui hurle dessus de la sorte.
Boutelle brandit son pistolet. « Espèce de chien galeux, je vais t’apprendre à me répondre ! »
Scarfaced répéta qu’il n’était pas un chien, ajoutant qu’il garderait son arme.
Au moment où Boutelle braquait son pistolet sur lui, Scarfaced, vif comme l’éclair, sortit le sien. Les deux hommes tirèrent en même temps. La balle de l’Indien traversa la manche du manteau du lieutenant, lequel manqua Scarfaced. Le Modoc plongea vers le tas d’armes et récupéra son fusil, aussitôt imité par les autres guerriers. Le commandant ordonna à ses hommes de tirer. S’ensuivit un échange intense de coups de feu. Puis les soldats se replièrent, laissant sur place un mort et sept blessés.
Pendant ce temps, les femmes et les enfants modocs avaient pris leurs pirogues et commencé à descendre la rivière en direction du lac Tule. Captain Jack et ses guerriers les suivirent sur la berge en se cachant derrière les roseaux qui formaient un écran épais. Ils avaient décidé de gagner le sanctuaire légendaire de leur tribu au sud du lac – les champs de lave de Californie.
En refroidissant, ces champs de lave s’étaient transformés en cavernes, roches fissurées et crevasses, dont certaines faisaient plus de trente mètres de profondeur. L’endroit dont Captain Jack décida de faire son bastion était une sorte de cratère entouré de tranchées et de parapets naturels formés par la lave. Sa poignée de guerriers pourrait tenir tête à une armée s’il le fallait, mais il espérait tout de même que les Tuniques Bleues ne viendraient pas les chercher ici. Qu’est-ce que les Blancs pourraient bien faire de ces rochers sans intérêt ?
Avant que les soldats n’attaquent le village, une petite bande de Modocs dirigée par Hooker Jim s’était installée juste en face, de l’autre côté de la rivière. En s’enfuyant avec les siens vers les champs de lave, Jack avait entendu des coups de feu provenant du campement de Hooker Jim. « Je me suis sauvé car je ne voulais pas me battre, expliqua-t-il par la suite. Les soldats ont touché certaines des femmes de ma bande, et certains de mes hommes. Je ne
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