Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
Modocs purent ainsi se promener à leur guise dans le camp militaire et observer de près les soldats censés à présent les protéger contre les citoyens de l’Oregon. Ils tombèrent par hasard sur un habitant de cet État qui les reconnut et menaça de les faire arrêter pour le meurtre des colons de Lost River. Le gouverneur voulait leur peau, dit-il, et dès qu’il mettrait la main sur eux, les représentants de la loi les pendraient.
À la première occasion, Hooker Jim et ses compagnons enfourchèrent leurs mustangs et rentrèrent à bride abattue aux champs de lave afin d’avertir Captain Jack de ne pas aller au ranch Fairchild, la rencontre qu’on lui proposait avec les commissaires n’étant qu’un piège pour capturer les Modocs et les renvoyer dans l’Oregon où les attendait la potence.
Les jours qui suivirent, alors que Winema et Franck Riddle se chargeaient de transmettre les messages entre Blancs et Indiens, il apparut que les soupçons de Hooker Jim étaient fondés, du moins en ce qui le concernait. Par contre, Captain Jack et les autres Modocs étaient libres de se rendre, auquel cas leur protection serait garantie.
Captain Jack se trouvait maintenant face à un dilemme classique. En abandonnant Hooker Jim et sa bande, il sauvait les siens. Or Hooker Jim s’était placé sous sa protection, et donc sous celle du chef des Modocs.
Le 6 mars, Jack adressa une lettre aux négociateurs, aidé de sa sœur Mary qui se chargea de déposer le message au ranch Fairchild. « Que tout soit effacé, balayé, et qu’il n’y ait plus de sang versé, écrivait le chef modoc. Mon cœur est peiné quand je pense à ces meurtriers. Je n’ai plus que quelques hommes et je ne vois pas comment je pourrais les livrer. Les Blancs m’abandonneront-ils ceux qui ont tué les miens dans leur sommeil ? Je n’ai jamais demandé leur peau (…). Je pourrais voir mon cheval se faire pendre ; je ne pourrais pas abandonner mes hommes à la potence. Si mon cheval se faisait pendre, je ne verserais pas une larme ; mais si j’abandonnais mes hommes, il me serait impossible de ne pas pleurer. »
Canby et les commissaires insistèrent tout de même pour rencontrer Captain Jack, espérant le persuader que la guerre était pire pour son peuple que de remettre les meurtriers aux Blancs. Même si Grand-Guerrier Sherman avait conseillé à Canby d’avoir recours à ses soldats contre les Modocs afin que « plus aucune réserve ne soit nécessaire pour eux que des tombes dans ces champs de lave qu’ils aiment tant », le général ne perdait pas patience.
Le 21 mars, Captain Jack et Scarfaced Charley repérèrent Canby, accompagné d’une petite escorte, qui descendait à cheval de l’arête surplombant leur bastion. Ne sachant pas trop comment interpréter cette approche à découvert, Jack déploya ses guerriers dans les rochers. Une silhouette isolée se détacha alors de l’escorte. L’homme, un médecin militaire, proposait une rencontre informelle entre Captain Jack et le général Canby. Celle-ci commença quelques minutes plus tard. Canby assura Jack que s’il acceptait de sortir du cratère avec son peuple, ils seraient bien traités ; on leur donnerait de la nourriture, des vêtements et de nombreux cadeaux. En guise de réponse, Jack demanda au général pourquoi, puisqu’il avait tant de choses à offrir aux Modocs, il n’en avait pas apporté certaines. Il voulut savoir également pourquoi il ne retirait pas ses soldats. Tout ce que les Modocs désiraient, c’était qu’on les laisse tranquilles.
Au cours de cette brève rencontre, ni Jack ni Canby ne mentionna Hooker Jim, sa bande, ou le meurtre des colons. Dans l’attente de voir quelle serait la prochaine initiative de Canby, Jack ne fit aucune promesse.
L’initiative suivante de Canby consista à faire venir des forces supplémentaires et à les placer de part et d’autre des retranchements modocs, qui se retrouvèrent ainsi à distance de frappe des compagnies du 1 er de cavalerie et du 21 e d’infanterie, ainsi que du 4 e d’artillerie.
Le 2 avril, Captain Jack envoya un message aux membres de la commission de paix. Il souhaitait les rencontrer à mi-chemin entre les deux camps. Le même jour, Canby, Meacham, Thomas et Dyar, accompagnés de Winema et de Frank Riddle, se rendirent à cheval jusqu’à une cuvette rocheuse située en contrebas du promontoire où se trouvait le campement des soldats. Jack, Hooker Jim et
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