Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
d’antilopes, de canards, de poissons et de racines pour nourrir tout le monde. Lorsque Kintpuash reprocha au chef de la tribu, son père, de ne pas conclure la paix avec les Blancs, celui-ci lui expliqua que les Blancs étaient perfides et qu’il faudrait les chasser pour que la paix règne à nouveau. Peu de temps après, le père de Kintpuash fut tué au cours d’un combat contre des colons, et le jeune homme lui succéda.
Kintpuash se rendit dans les fermes des Blancs pour y chercher des personnes de confiance avec lesquelles conclure la paix. Il rencontra de braves gens à Yreka, si bien que les Modocs prirent rapidement l’habitude de venir y faire du troc. « J’ai toujours dit aux Blancs quand ils sont venus dans mon pays, déclara Kintpuash, que s’ils voulaient en faire leur foyer, ils le pouvaient ; et je ne leur ai jamais demandé de me payer pour vivre ici comme le fait mon peuple. J’aimais bien qu’ils viennent s’installer. J’appréciais la compagnie des Blancs. » Le jeune chef appréciait également les vêtements qu’ils portaient, leurs maisons, leurs chariots et leur magnifique bétail.
Les Blancs d’Yreka donnèrent à leurs visiteurs indiens des noms que les Modocs trouvèrent fort amusants, au point de les utiliser souvent entre eux. C’est ainsi que Kintpuash fut rebaptisé Captain Jack. Il y avait aussi Hooker Jim, Steamboat Frank, Scarfaced Charley, Boston Charley, Curly Headed Doctor, Shacknasty Jim, Schonchin John et Ellen’s Man.
C’est à l’époque de la guerre de Sécession que les relations se gâtèrent entre les Modocs et les Blancs. Si un Indien ne trouvait pas de gibier pour nourrir sa famille, il lui arrivait de tuer la vache d’un fermier ; ou bien s’il avait besoin d’un cheval, il en empruntait un à un colon. Les amis blancs des Modocs justifiaient cette pratique en disant que c’était un « impôt » prélevé par les Indiens en échange de l’utilisation de leurs terres. Mais la plupart des colons ne trouvaient pas la chose à leur goût. Ils obtinrent donc de leurs représentants politiques un traité prévoyant le déplacement des Modocs.
Les négociateurs blancs du traité promirent à Captain Jack et aux autres chefs que s’ils acceptaient de s’installer sur une réserve dans l’Oregon, chaque famille se verrait attribuer un lopin de terre, des chevaux, des chariots, des outils, du matériel agricole, des vêtements et de la nourriture – le tout fourni par le gouvernement. Mais lorsque Captain Jack exprima son souhait de rester près du lac Tule, il se heurta à un refus catégorique. Ce fut donc à contrecœur qu’il signa le traité et alla s’installer avec son peuple sur la réserve klamath. Il y eut des problèmes dès le début. La réserve se situait sur ce qui était autrefois le territoire des Klamaths, aux yeux desquels les Modocs étaient des intrus. Lorsque les nouveaux venus utilisèrent des clôtures pour délimiter les terres qui leur avaient été attribuées, les Klamaths vinrent les leur voler. Les provisions promises par le gouvernement n’arrivèrent jamais ; l’agent de la réserve distribuait de la nourriture et des vêtements aux Klamaths, mais n’avait visiblement rien à donner aux Modocs. (Il est vrai que le Grand Conseil à Washington n’avait pas voté les crédits nécessaires.)
Lorsque Captain Jack vit que les siens souffraient de la faim, il décida de les emmener ailleurs. Les Modocs descendirent ainsi jusqu’à la vallée de la Lost River, où ils avaient vécu autrefois et où ils pourraient chasser, pêcher et ramasser des racines.
Les fermiers blancs de la vallée, qui ne voulaient pas d’eux, se plaignirent auprès des autorités. Captain Jack conseilla alors à son peuple de se tenir à l’écart des Blancs. Mais trois cents Indiens ne pouvaient guère passer inaperçus. Au cours de l’été 1872, le Bureau des Affaires indiennes demanda à Captain Jack de retourner sur la réserve. Jack répondit que la cohabitation avec les Klamaths était impossible. Il exigeait une réserve modoc quelque part dans la vallée de la Lost, leur territoire ancestral. Le Bureau jugea la demande raisonnable, mais les fermiers refusèrent que la moindre parcelle de ces riches pâturages soit accordée aux Indiens. À l’automne, le gouvernement ordonna de nouveau aux Modocs de retourner sur la réserve klamath. Là encore, Captain Jack refusa. C’est à l’armée que fut confiée la tâche de
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