Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
troupes étaient là, devait expliquer Colorow par la suite, ou pour quelle raison il devrait y avoir la guerre. » Les Tuniques Bleues se trouvaient alors à soixante kilomètres à peine de l’agence de la White River.
Après avoir lu le message de Meeker, Thornburgh annonça à Colorow qu’il longerait avec ses troupes la Milk River jusqu’à la frontière de la réserve ute, en aval. Il installerait son campement là, puis se rendrait à l’agence avec cinq hommes afin de s’entretenir avec Meeker.
Peu après le départ de Colorow et de ses braves, Thornburgh réunit ses officiers et décida de changer de plan. Au lieu de s’arrêter à la frontière de la réserve, la colonne continuerait jusqu’à Coal Creek Canyon et au-delà. Il s’agissait d’un impératif militaire, expliqua-t-il, les villages de Colorow et de Jack se trouvant non loin. Si les soldats s’arrêtaient au bord de la Milk River et que les Utes décidaient de bloquer l’entrée du canyon, les hommes seraient alors dans l’impossibilité d’atteindre l’agence. Par contre, s’ils avançaient jusqu’à l’autre bout du canyon, au sud, ils n’auraient plus qu’à traverser quelques kilomètres d’espaces dégagés avant d’atteindre la White River.
Parti avant la colonne, Colorow arriva dans son village le 29 septembre, à environ neuf heures du matin. Il trouva les siens extrêmement excités par l’arrivée imminente des soldats. « J’en ai vu plusieurs filer dans la direction où se trouvaient les soldats, raconta-t-il. Je les ai suivis et suis arrivé à l’endroit où ils s’étaient rassemblés. » Là, il retrouva Jack, accompagné d’une soixantaine de guerriers. Les deux chefs échangèrent les informations qu’ils détenaient : Jack raconta à Colorow son entretien inutile avec Meeker tandis que Colorow lui faisait part de la promesse faite par Thornburgh de ne pas dépasser la Milk River. « Alors, j’ai expliqué à Jack qu’à mon avis, il devrait conseiller aux jeunes braves de ne pas se livrer à des démonstrations guerrières. Il m’a répondu que mieux valait les éloigner de la route. De là où nous étions, aucun soldat n’était en vue, du moins pas encore. Nous nous sommes postés à quelque distance de la route. Jack a annoncé que lorsqu’il estimerait que les soldats avaient atteint la Milk River, il irait les voir. »
Ni Colorow ni Jack ne pouvait savoir que la colonne de Thornburgh avait déjà passé la Milk. Après avoir fait boire les chevaux dans la rivière, le chef d’escadron avait décidé de faire avancer les chariots dans le canyon avec une escorte tandis que lui-même prenait avec le reste des troupes un chemin plus direct par les crêtes. L’ironie de la chose, c’est que ce faisant, il allait tomber pile sur les Utes que Jack avait éloignés de la route précisément dans le but d’éviter ce genre de rencontre.
À peu près au même moment, on vit revenir au galop un jeune Ute parti en mission de reconnaissance. « Les troupes ne s’arrêtent pas là où elles avaient promis hier, elles arrivent », annonça-t-il à Jack.
Brusquement très inquiet, ce dernier monta sur la crête avec son petit groupe de guerriers. Quelques minutes plus tard, il vit la file des chariots des soldats s’étirer sur la route en lacets qui menait au canyon. « Je me suis posté en haut de la colline avec une vingtaine de mes hommes, et tout d’un coup, j’ai aperçu trente à quarante soldats. Dès qu’ils m’ont vu, ils se sont déployés. J’avais combattu les Sioux avec le général Crook l’année précédente, et j’ai immédiatement compris que si l’officier déployait ses troupes de la sorte, cela signifiait qu’il avait l’intention de se battre ; alors j’ai ordonné à mes guerriers de faire de même. »
Après avoir donné à ses hommes l’ordre de se déployer, le lieutenant Samuel Cherry, l’officier à la tête de l’avant-garde, les fit s’arrêter au pied de la falaise afin d’attendre Thornburgh. S’avançant de quelques dizaines de mètres, ce dernier agita son chapeau en direction des Indiens qui observaient la scène depuis la crête. Plusieurs guerriers répondirent d’un signe de la main.
Jack attendit trois à quatre minutes que l’un des officiers propose la tenue d’un conseil. Mais aucun d’entre eux ne bougea, comme s’ils s’attendaient à ce que les Utes fassent le premier pas. « Alors, devait expliquer Jack par la
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