Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
Le 5 juillet, il prépara un télégramme destiné au commissaire des Affaires indiennes et devant être signé par le gouverneur Pitkin :
Je reçois chaque jour des rapports faisant état d’une bande d’Utes de la White River sortis de la réserve, qui détruisent les forêts. (…) Ils ont déjà réduit en cendres pour des millions de dollars de bois d’œuvre et menacent les colons et les prospecteurs. (…) Je suis convaincu qu’il y a chez les Indiens la volonté délibérée de détruire les espaces boisés du Colorado. Ces sauvages devraient être parqués sur le Territoire Indien, afin qu’ils cessent de détruire les magnifiques forêts de notre État.
Le commissaire réagit en promettant au gouverneur de prendre des mesures, puis intima à Meeker d’empêcher ses Utes de quitter la réserve. Lorsqu’il envoya chercher les chefs, l’agent découvrit qu’ils s’étaient réunis pour exprimer leur indignation. Ils avaient été mis au courant des fausses accusations du gouverneur et de ses menaces à leur encontre. Un ami blanc du nom de Peck, qui tenait un comptoir au nord de la réserve, avait lu un article dans un journal de Denver et en avait rapporté la teneur à Jack.
Il y était dit que les Utes avaient allumé des feux le long de la Bear River et incendié une maison appartenant à James B. Thompson, un de leurs anciens agents. Troublé, Jack décida de se rendre à Denver pour voir le gouverneur Pitkin et démentir ces rumeurs. Peck accepta de l’accompagner. Ils choisirent de passer par la maison de Thompson. Comme le constata Jack : « [Elle] était bien là, intacte. Elle n’avait pas été incendiée. »
Non sans mal, Jack parvint à se faire admettre dans le bureau du gouverneur Pitkin. « Le gouverneur m’a demandé comment ça se passait chez moi, dans la vallée de la White River. Les journaux racontaient tellement de choses à notre propos… Je lui ai dit que je pensais de même, et que c’était la raison qui m’avait fait venir à Denver. J’ai expliqué que je ne comprenais pas pourquoi nous en étions arrivés là. (…) Alors, il m’a montré une lettre de mon agent. J’ai dit que l’agent savait écrire, et que donc il avait écrit cette lettre, mais que ne sachant pas écrire, j’étais venu le voir lui en personne pour répondre à la lettre. Nous avons discuté et alors je lui ai conseillé de ne pas croire ce qui était écrit dans cette lettre. (…) Il a voulu savoir si la maison de Thompson avait vraiment été incendiée. Je lui ai répondu que je l’avais vue – qu’elle était intacte. Je lui ai alors parlé de l’agent et lui ai demandé d’écrire à Washington pour obtenir qu’un autre soit nommé à ce poste. Il m’a promis d’écrire le lendemain. »
Il va sans dire que Pitkin n’avait pas du tout l’intention de faire remplacer Meeker. De son point de vue, les choses allaient dans le bon sens. Il lui suffisait d’attendre qu’ait lieu la confrontation entre Meeker et les Utes, et alors, « Dehors, les Utes ! »
À peu près au même moment, Meeker préparait son rapport annuel pour le commissaire aux Affaires indiennes. Il avait l’intention, expliquait-il, de créer une force de police au sein de la tribu ute. « Ils sont de mauvaise humeur », ajouta-t-il, ce qui ne l’empêcha pas quelques jours plus tard d’entreprendre des actions qui ne pouvaient que rendre les Utes encore plus belliqueux. Si rien ne prouve que Meeker adhérait au programme de Pitkin (« Dehors, les Utes ! »), presque toutes ses décisions semblaient destinées à pousser les Utes à la révolte.
Peut-être Meeker ne désirait-il pas le départ des Utes. Toujours est-il qu’il tenait à se débarrasser de leurs chevaux. Au début du mois de septembre, il ordonna à l’un de ses ouvriers blancs, Shadrach Price, de commencer à labourer une parcelle où les Utes faisaient paître leurs mustangs. Il y eut des protestations immédiates de la part des Indiens, qui demandèrent à Meeker pourquoi il ne choisissait pas un autre endroit que celui-ci, dont l’herbe était destinée à leurs montures. À l’ouest de ce pâturage se trouvait un autre terrain couvert d’armoises, que Quinkent (Douglas) était prêt à lui laisser. Meeker s’entêta : c’était le pâturage qu’il voulait labourer. Alors, les Utes envoyèrent sur place quelques jeunes braves armés de fusils. Ils s’approchèrent du laboureur et lui ordonnèrent
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