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Et Dieu donnera la victoire

Et Dieu donnera la victoire

Titel: Et Dieu donnera la victoire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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des domaines importants et prospères. Les Anglais, ravis, se tapaient sur les cuisses. Goddam ! au moment où ils s’apprêtaient à fondre sur Orléans, cette querelle arrangeait au mieux leurs affaires.

5
    Les chemins de Lorraine

Domrémy, 1428
    Où Jean avait-il appris cette chanson qu’il entonnait plusieurs fois dans la journée ? Il finit par reconnaître qu’il la tenait d’un mercatore originaire du Dauphiné qu’il avait rencontré au cours du bref exil à Neufchâteau.
    Elle disait :
    Arrière, Anglais coués, arrière !
    Ayez la goutte et la gravelle
    Et le cou taillé rasibus...
    Il l’apprit à Jeannette qui la trouva à son goût, à la petite Catherine qui dansait sur place en la chantant, à Zabelle qui la fredonnait en épluchant ses légumes.
    La campagne d’Antoine de Vergy à travers le Barrois avait réveillé les consciences et les énergies. On l’avait échappé belle. Le reflux des troupes avait laissé, avec une traînée d’amertume, un désir de revanche. On en voulait à Robert de Baudricourt d’avoir baissé les bras à la première sommation, mais il fallait bien convenir qu’il n’était pas en mesure de résister longtemps et que l’essentiel était acquis : les troupes ennemies avaient évacué le pays, ne laissant pour sa surveillance que des compagnies dispersées.
    Les vendanges avaient tenu leur promesse, et Jacques avait trouvé facilement à vendre l’excédent de sa récolte. Il était allé à Toul offrir un tonnelet de vin nouveau à maître Thierry et en était revenu avec des nouvelles qui ne furent agréables que pour lui et son épouse.
    Le soir même de son retour, il attira Jeannette contre lui et lui dit :
    – Ma petite, il va falloir te préparer à nous quitter. Maître Thierry est impatient de passer devant le curé. Il m’a fait visiter sa demeure : c’est une vraie maison de procureur. Rien n’y manque, pas même un jardin et un potager. Tu pourras élever de la volaille et des lapins, semer des légumes, planter des fleurs. Nous te regretterons, mais Toul n’est pas au bout du monde et nous nous rendrons visite de temps à autre.
    Rouge de plaisir, Zabelle embrassa la petite en lui disant :
    – Eh bien ! quelle chance tu as, ma Jeannette ! Épouse d’un procureur... Tu fréquenteras la meilleure société de cette ville, tu...
    Jeannette fondit en larmes, repoussa son père, écarta sa mère, traversa le courtil comme si elle avait le diable à ses trousses, s’engouffra dans l’église où des ouvriers étaient en train de refaire la charpente et se jeta aux pieds de la Vierge en gémissant :
    – Sainte Mère, mes frères du Paradis, protégez-moi ! Jamais je n’épouserai cet homme ! Jamais !
    Une voix qui n’était pas celle de saint Michel lui répondit du fond de la nef :
    – Tu sais bien, Jeannette, qu’il faudra t’y résoudre. Tu ne peux pas désobéir à tes parents.
    L’abbé Minet s’avançait vers elle avec à la main un bouquet de houx qu’il s’apprêtait à déposer sur l’autel. Elle se releva lentement, le visage en feu, pointa l’index vers lui, s’écria :
    – Pas la Sainte Vierge, par saint Michel, sainte Catherine, sainte Marguerite, je vous tiens pour complice de ce traquenard. Je ne me marierai jamais ! Que cela soit dit une fois pour toutes !
    L’abbé soupira :
    – Si tu as décidé de te faire nonne, évidemment, je peux comprendre tes réticences. Je puis en parler à tes parents, leur expliquer...
    Elle lui coupa brutalement la parole : elle ne voulait pas se faire nonne !
    – Écoute, ma Jeannette, belle et robuste comme tu l’es, tu ne peux tout de même pas rester pucelle jusqu’à la fin de tes jours.
    – Je resterai pucelle et j’irai me battre !
    – Te battre, toi, Jeannette ? Et contre qui ?
    Elle haussa les épaules et lâcha, avec l’air le plus naturel qui soit :
    – Contre les Anglais et les Bourguignons, pardi ! Mes voix m’ont assuré que c’était écrit dans mon destin.
    Ses voix ! C’était donc ça... À diverses reprises, le curé l’avait surprise priant ou parlant comme si elle tenait une conversation avec la Vierge ou avec le Christ. Il avait conclu de ces prières jaculatoires à une déviation et à un excès de zèle mystique dus à l’ardente jeunesse de sa paroissienne, mais cela ne lui semblait guère tirer à conséquence. Il souhaitait même que cette ardeur dans la foi pût servir d’exemple à certains fidèles peu enclins au zèle.
    – Jeannette,

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