Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
Vom Netzwerk:
les samedis. Elle me manque, et ses lettres très régulières ne compensent pas vraiment.
    — C’est une bonne correspondante ?
    — Elle prend le temps d’écrire tous les jours, et elle respecte une rotation de ses destinataires. Une fois c’est moi, le lendemain sa grand-mère et ainsi de suite...
    Elise hésita avant de demander encore :

    — Et Eugénie ?
    — Elle reçoit sa part de lettres. Ma fille a un grand sens du devoir.
    La remarque s’accompagnait d’une sympathie évidente.
    — Elle reviendra bientôt, ne t’en fais pas.
    — Pas si tôt en fait, dans près de deux semaines. Là, elle découvre les Anglaises et les chevaux. Les seconds lui font meilleure impression que les premières.
    Tout de même, en lisant entre les lignes, Fernand concluait que les choses se déroulaient très bien.
    — Et ton aîné ?
    — Loin de ses proches, les travaux agricoles lui paraissent moins séduisants. Après avoir participé à la fenaison, il m’annonçait hier au téléphone son désir de rentrer en même temps que sa sœur.
    Elise posa son verre sur le plancher pour se lover contre son compagnon.
    — De ton côté, les enfants vont bien ? demanda-t-il.
    — Pierre s’ennuie. Nous n’avons pas les moyens de lui permettre de participer à de longs voyages en train, avec les garçons de son âge. Si au moins les journaux se montraient moins bavards sur le sujet.
    Les compagnies ferroviaires multipliaient les publicités pleine page pour vanter aux étudiants des collèges et des universités des voyages «instructifs, gages d’une réussite future ». Les moins nantis devaient se contenter de rêver.
    — Et Estelle ?
    — Un passage dans un magasin devrait être recommandé à toutes les jeunes femmes timides.
    Elle gagne en
    assurance. Puis, les filles du député Dubuc sont charmantes avec elle. Elle aura du mal à revenir à la maison.
    — Pourquoi le ferait-elle ?

    — Mes parents ne paraissent pas entichés de l’idée d’avoir une vendeuse dans la famille.
    Fernand se priva de dire que l’ouverture d’esprit du docteur Caron avait ses limites. Mais l’homme abandonna le sujet.
    Le joli visage posé au creux de son épaule demandait toute son attention.

    *****
Fernand s’était assez attardé avec sa maîtresse pour ne sortir de l’édifice qu’un peu avant six heures. Jacques avait étendu sur le sol un mouchoir pris dans sa poche pour y poser les fesses. Thérèse pesterait ce soir en essayant de faire disparaître les taches d’herbe de son pantalon. Elle se demanderait bien comment il avait attrapé cela derrière une machine à écrire.
    L’objet de sa filature apparut sous ses yeux quand il eut parcouru au moins la moitié de l’accès conduisant vers la Grande Allée. Un peu plus, et l’espion ne le remarquait pas.
    «Toi, mon cochon, tu as bien pris ton temps. »
    Le notaire marchait d’un pas léger, presque dansant. Ces quelques heures agissaient visiblement au mieux sur son moral. Le garçon consulta sa montre. Inutile de s’inquiéter de reprendre son poste, sa journée de travail était terminée.
    Immobile, Jacques songea à la teneur de son prochain rapport à Eugénie.
    La malade avait raison, son époux se consolait de son futur veuvage avec une inconnue. Même s’il en était convaincu, il n’en avait pas la preuve. Son employeur plaiderait peut-être sa défense en évoquant un vieil ami d’université avec qui il jouait parfois aux dominos. Rapporter des informations incomplètes sur cette triste histoire conjugale susciterait la colère des deux membres du couple, l’un pour avoir été surveillé, l’autre parce qu’il ne détenait pas de preuve de l’infidélité du mari.
    Ce questionnement le retint suffisamment longuement pour lui permettre de voir une nouvelle silhouette familière sortir du Château Saint-Louis.
    — La femme de l’autre jour, murmura Jacques en se relevant prestement.
    Elise, soucieuse d’arriver à la maison à temps pour le souper, pressait le pas sans rien remarquer derrière elle. Son poursuivant ne se donna même pas la peine de se faire discret. A tout au plus trente pas derrière elle, il l’accompagna jusqu’à la rue Claire-Fontaine pour la voir pénétrer dans une maison. Un instant plus tard, le garçon s’approcha pour lire les noms sur les trois plaques en laiton.
    — Le docteur Caron. Sa femme va faire des galipettes avec mon gros patron.
    Une petite recherche en soirée l’amena à une autre conclusion.

Weitere Kostenlose Bücher