Excalibur
la dune la plus
proche. Le ciel, à l’ouest, rougeoyait sauvagement car le soleil s’était
couché, et nous restâmes tous deux dans l’ombre du monde, à regarder le Prydwen monter et descendre au gré des vagues. Sa voile était totalement déployée car
le vent du soir soufflait de l’ouest et la proue du bateau rompait l’eau
blanche et sa poupe laissait un sillage qui s’élargissait sur la mer. Il cingla
plein sud, puis il vira vers le couchant ; le vent soufflait pourtant du
ponant et aucun navire ne peut voguer droit dans l’œil du vent, pourtant je
jure que ce bateau le fit. Il filait plein ouest, face au vent, cependant sa
voile était gonflée et sa proue élevée fendait l’écume ; ou peut-être mes
yeux m’abusèrent-ils, car je m’aperçus qu’ils étaient trempés de larmes qui
ruisselaient sur mes joues.
Et pendant que
nous regardions, nous vîmes une brume argentée se former sur l’eau.
Ceinwyn me
saisit le bras. Ce n’était qu’une traînée de brume, mais elle grandit et se mit
à rayonner. Le soleil avait disparu, il n’y avait pas de lune, rien que les
étoiles et le ciel crépusculaire et la mer mouchetée d’argent et le bateau à la
voile sombre, pourtant la brume rayonnait. Comme le poudrin argenté des
étoiles, elle rayonnait. Ou peut-être était-ce dû aux larmes qui remplissaient
mes yeux.
« Derfel ! »
me cria Sansum. Il était arrivé avec Meurig et traversait tant bien que mal le
sable pour nous rejoindre. « Derfel ! cria-t-il. J’ai besoin de toi !
Viens ! Tout de suite !
— Mon
cher Seigneur », dis-je, mais pas à lui. Je parlais à Arthur. Je regardai
et pleurai, tenant Ceinwyn par la taille, tandis que la brume argentée et
chatoyante engloutissait le bateau pâle.
Ainsi partit
mon seigneur.
Et personne ne
l’a vu depuis.
NOTE HISTORIQUE
Gildas, l’historien
qui écrivit probablement De Excidio et Conquestu Brittaniae (De la
destruction et de la conquête de la Bretagne) dans la trentaine d’années qui
suivit l’époque arthurienne, note que la bataille du Badonici Montis
(généralement traduit aujourd’hui par Mont Badon) fut un siège, mais il ne
mentionne pas la présence d’Arthur à cette grande victoire qui, se
lamente-t-il, « fut la dernière défaite des scélérats ». L’ Historia
Brittonum (Histoire des Bretons), qui fut écrite ou compilée par un certain
Nennius au moins deux cents ans après l’époque arthurienne, est le premier
document à proclamer qu’Arthur fut le commandant des armées britanniques au « Mons
Badonis » où « en une journée, neuf cent soixante hommes furent tués
par l’assaut des guerriers d’Arthur, et nul autre que lui ne les défit ».
Au dixième siècle, quelques moines de l’ouest du Pays de Galles compilèrent les Annales Cambriae (Annales du Pays de Galles) où ils mentionnent « la
bataille du Badon au cours de laquelle Arthur porta la croix de notre Seigneur
Jésus-Christ sur ses épaules pendant trois jours et trois nuits, et les Bretons
furent vainqueurs. » Bède le Vénérable, un Saxon dont L’ Historia Ecclesiastica
Gentis Anglorum (Histoire ecclésiastique des Anglais) parut au huitième
siècle, signale la défaite, mais ne mentionne pas Arthur ; cela n’est
guère surprenant car il semble avoir tiré de Gildas la plupart de ses connaissances.
Ces quatre documents sont à peu près nos seules sources anciennes concernant
cette bataille (encore les trois dernières sont-elles bien tardives). A-t-elle
vraiment eu lieu ?
Les
historiens, quoique peu disposés à admettre que l’Arthur légendaire ait existé,
semblent reconnaître que vers l’an 500 de notre ère les Bretons ont mené et
gagné une grande bataille contre les Saxons qui ne cessaient d’empiéter sur
leurs terres, en un lieu appelé Mons Badonicus, ou Mons Badonis, ou Badonici
Montis, ou Mynydd Baddon, ou Mont Badon, ou simplement Badon. En outre, ils
suggèrent que ce fut une bataille importante car elle semble avoir
effectivement arrêté la conquête saxonne du territoire britannique durant une
génération. Elle semble aussi, comme Gildasle déplore, avoir été la « dernière
défaite desscélérats », cardurant les deux cents ans qui
suivirent cette défaite, les Saxons s’emparèrent de ce que l’on appelle aujourd’hui
l’Angleterre et dépossédèrent ainsi les Bretons de leur pays natal. Durant
toute cette sombre période de l’âge le plus sombre de
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