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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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    —    Tu es certaine que tu veux descendre ?
    —    Parcourir ces escaliers me prendra du temps, mais si je pars dans trois minutes, je serai derrière la caisse un peu avant la fermeture.
    —    Je sais bien qu'accoucher le jour de l'ouverture, au milieu des clientes, ferait une excellente publicité, mais tout de même...
    La jeune femme se leva en prenant appui sur la table, lui adressa un sourire avant de déclarer :
    —    Je ne manquerai pas l'ouverture. Sans doute que je ne resterai pas toute la journée, et que tu ne me reverras pas du reste de la semaine, mais je serai avec toi à neuf heures.
    Une chance pour elle, Alfred comptait parmi les boutiquiers convaincus que les employées pouvaient poser les fesses sur un tabouret en l'absence de clients, et même parfois en leur présence, avec ces circonstances atténuantes. À l'heure fatidique, quelques femmes faisaient la queue devant la porte.
    Pendant des heures, l'affluence ne diminua pas. Pour se distinguer de ses réputés voisins Holt & Renfrew et Simon's, qui offraient des laines anglaises, la publicité insistait sur les vêtements importés de France. Surtout peut-être, le chef de rayon qui séduisait la clientèle du magasin Picard avec ses allures d'esthète et son humour acide avait cultivé des fidélités dont certaines voulaient bien le suivre rue de la Fabrique.
    Derrière la caisse, assise, Marie recevait l'argent avec le sourire et répondait invariablement aux personnes qui lui demandaient la date de l'heureux événement:
    —    En théorie dans quelques semaines, mais l'enfant du grand escogriffe que vous voyez là semble vouloir nous aider bien vite.
    Si certaines comptaient mentalement le nombre de mois, personne ne formula la moindre remarque.
    Un peu après onze heures, Marie déclara forfait et demanda à une vendeuse de lui offrir son bras afin de monter l'escalier jusqu'à l'appartement. Vers six heures, Alfred la trouva étendue sur le canapé du salon, face à la fenêtre. Il posa une fesse près d'elle pour lui caresser le ventre :
    —    Alors, sommes-nous riches ? demanda-t-elle, un peu taquine.
    —    Il faudra faire livrer de la marchandise mercredi, au plus tard jeudi. Ce bébé-là devrait profiter d'une petite aisance.
    —    A s'agiter comme il le fait, sans doute compte-t-il en profiter très vite.
    L'homme lui fit la bise, puis alla chercher de quoi boire.
    — Maman, tu as vu comme c'est joli ?
    Chaque fois qu'Edouard utilisait ce mot, et le gamin ne s'en privait pas, Eugénie semblait sur le point de vomir.
    —    Magnifique. Ton papa nous a réservé une belle surprise.
    La famille Picard se tenait sur le trottoir de la rue Scott, perpendiculaire à la Grande Allée, dans le quartier Montcalm. Napoléon Grosjean était venu les chercher à la gare en fin d'après-midi. Au cours des semaines précédant son mariage, Thomas avait multiplié les efforts afin de vendre la demeure de la rue Saint-François et d'en dénicher une nouvelle. Pendant la douzaine de jours de son voyage de noces à Montréal et sur la côte du Maine, des employés s'étaient occupés du déménagement.
    —    Tu n'as pas fait construire ce petit château ? questionna Elisabeth en prenant son bras.
    —    Non. Au moment de l'élection provinciale, quelqu'un m'a parlé d'un manufacturier qui avait surestimé ses moyens. Je lui ai rendu service.
    En d'autres mots, cet industriel aux abois s'était départi de cette demeure à un prix avantageux sans avoir eu l'occasion de l'habiter. D'un autre côté, pour vendre rapidement, le commerçant avait fait une faveur à un médecin désireux de s'établir dans la Basse-Ville en lui cédant sa propre maison à prix modique, à condition que la transaction se fasse tout de suite.
    —    Elle est impressionnante, murmura-t-elle.
    La demeure se montrait digne des aspirations du roi du commerce de détail. En brique rouge, elle s'ornait d'une tourelle à gauche. Une longue galerie courait devant et sur une partie du côté droit.
    Quant à la nouvelle madame Picard, elle ne déparerait pas ce cadre magnifique. Le temps des jupes de serge et des chemisiers modestes était révolu. Elle portait une jolie robe de mousseline bleu pâle, affichait des cheveux bouclés, coiffés savamment, sous un chapeau de paille incliné sur l'œil gauche.
    — Nous entrons, demanda l'homme ?
    Les enfants se trouvaient déjà sur la galerie pour regarder à l'intérieur par

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