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Faubourg Saint-Roch

Titel: Faubourg Saint-Roch Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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fille de dix-huit ans peut-être, vêtue d'une robe de bure, se trouva recrutée pour se rendre jusqu'au fiacre stationné dans la rue Donaconna avec Eugénie.
    —    Attendez-nous dans le parloir, indiqua-t-elle avant d'enchaîner, quand ils furent seuls : je ne savais pas la situation à ce point pressante.
    —    Ma femme a été malade pendant des années, expliqua Thomas. Les derniers mois ont été très éprouvants. Je m'inquiète même un peu pour l'équilibre de ma fille. Elle en vient à imaginer des scénarios... terribles.
    L'homme jugeait préférable d'avertir la supérieure à mots couverts que la gamine risquait de revenir à la charge avec ses inquiétantes accusations. Toutefois, elle lui avait fait la promesse que jamais elle ne les répéterait. En quelque sorte, elle troquait son admission immédiate au couvent contre son silence.
    —    Ici, elle trouvera beaucoup de calme, une routine apaisante. Je demanderai à la religieuse responsable de sa classe et à la maîtresse de salle, la jeune novice que vous venez de voir, de rester très attentives à son état.
    —    Je pourrai la voir régulièrement?
    —    Les rencontres avec les parents ont lieu les dimanches après-midi.
    La femme s'était mise à marcher vers la sortie du monastère, Thomas lui emboîta le pas. Au moment d'arriver dans le parloir, il aperçut la fillette, sa petite valise à la main.
    —    Eugénie, commença la supérieure, c'est le moment de dire au revoir à ton papa.
    —Je croyais pouvoir la reconduire...
    —    Non, Monsieur. Croyez-moi, nous avons l'habitude des situations de ce genre. Plusieurs enfants nous arrivent après avoir perdu l'un ou l'autre de leur parent, parfois les deux.
    Un peu plus, et elle ajoutait: «Et même des enfants souffrant des projets de remariage très pressant du survivant.» Thomas fit un signe de la tête, autant en guise de salutation que pour signifier son assentiment, puis il rejoignit Eugénie, s'assit sur ses talons pour lui dire :
    —    Tu es bien certaine que c'est ce que tu veux ?
    Elle acquiesça de la tête, les paupières grosses de larmes contenues.
    —    Si tu changes d'avis, tu n'as qu'un mot à dire.
    Elle hocha encore la tête.
    —    Alors embrasse-moi.
    Elle se précipita dans ses bras, commença par lui murmurer un «merci» à l'oreille, puis se recula juste un peu pour
    dire encore :
    —    Je ne le dirai plus, car cela te fait de la peine.
    Ce fut à son tour d'acquiescer, étreint par l'émotion. En se relevant, il lui dit:
    —    Je viendrai te voir dans une semaine, c'est promis.
    Avec courage, sans se retourner, tenant sa petite valise à deux mains devant elle, la fillette alla rejoindre la mère supérieure et la novice qui attendaient dans un coin.
    Si, pour sa mère, Thomas avait porté le grand deuil pendant quelques semaines, pour une épouse, il en aurait au moins pour six mois. Le dimanche 16 mai, exactement une semaine après le décès d'Alice, sa grande silhouette noire se dressait dans le banc à Pavant de la nef. À ses côtés, Edouard présentait une mine renfrognée. Curieusement, l'absence de sa sœur, longue de 24 heures, lui pesait déjà. Elisabeth, dans son costume de velours bleu, posait sa main gantée de dentelles à la base de son cou, à la fois pour le rassurer et l'amener à se tenir tranquille.
    Après dîner, le commerçant quitta la maison, expliquant à la jeune femme venue le reconduire à la porte :
    —    J'ai accumulé beaucoup de retard, je vais aller au magasin une petite heure. Ensuite, je me rendrai voir le curé.
    —    Dois-je y aller aussi ?
    —    Pas cette fois. Cependant, je crois que ce sera nécessaire, éventuellement.
    D'un signe de la tête, il la salua, puis traversa la rue en diagonale. Le grand magasin portait encore les crêpes du deuil. Dans trois jours, il conviendrait de tout enlever. Les rapports des chefs de rayons lui permirent d'oublier toutes ses préoccupations domestiques jusque vers trois heures. Deux minutes suffirent ensuite pour arriver au presbytère.
    —Monsieur le curé vous attend, dit la religieuse en ouvrant la porte.
    Le corridor poussiéreux ne retint guère son attention, ni le décor lugubre du bureau. La mise en scène du pouvoir le laissait indifférent.
    —Monsieur Picard, je n'ai pas eu l'occasion de vous exprimer personnellement ma plus profonde sympathie, commença le vieux prêtre en tendant la main.
    —

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