Fausta Vaincue
une troisième…
– Et même une quatrième, si cela vous plaît, mais à charge de revanche !
– C’est entendu. Donc, pourquoi me suivez-vous depuis Dammartin ?…
– Depuis Saint-Denis, rectifia Pardaillan.
– Soit. Pourquoi depuis Saint-Denis êtes-vous sur ma route, et pourquoi, vous ayant dépisté à Amiens, vous êtes-vous arrangé pour retrouver mes traces ?
– Mais pour avoir le plaisir de voyager avec vous, d’abord !
– Comment pouviez-vous savoir que j’allais au camp de Farnèse ?
– Parce que je l’ai entendu dire à la très noble signora Fausta, répondit paisiblement le chevalier.
– Ah ! ah ! fit le messager abasourdi.
Puis il reprit :
– Soit encore. Mais vous avez dit que votre acharnement à me rattraper venait du désir que vous aviez de voyager en ma compagnie… d’abord. Il y a donc un autre motif ?…
– Monsieur le comte, fit Pardaillan, à mon tour de vous questionner, voulez-vous ?
– Faites…
– Savez-vous ce que contient la lettre qui vous a été remise à Saint-Denis de la part de la signora Fausta et à destination d’Alexandre Farnèse ?
Le messager fut atterré. Il n’y avait plus de doute dans son esprit. L’étranger n’étant pas, ne pouvant pas être un envoyé de Fausta, c’était un ennemi dangereux qui avait surpris de redoutables secrets.
Il regarda autour de lui. A sa droite, c’étaient les champs. A sa gauche, les falaises au-delà desquelles on entendait se lamenter la mer. Devant lui, à une demi-lieue en tirant un peu sur la droite, un clocher avec quelques chaumières de pêcheurs autour : c’était Gravelines. La solitude était complète, et l’endroit excellent pour se défendre d’un gêneur.
Le messager de Fausta regarda Pardaillan qui souriait toujours.
– Monsieur, dit-il, il me serait difficile de répondre à votre question, parce que n’étant porteur d’aucune lettre, je ne puis vous dire le contenu d’une missive qui n’existe pas.
– Ah ! monsieur le comte ! fit Pardaillan, vous récompensez bien mal ma franchise. Je vous ai dit la vérité pure… et voici que vous essayez de me tromper !
– Eh bien, gronda le messager en pâlissant, j’ai une lettre, c’est vrai. Après ?…
– Je vous demande si vous savez son contenu…
– Non. Et quand je le saurais…
– Vous ne me le diriez pas, c’est entendu. Mais vous ne le savez pas. Et je vais vous le dire…
– Qui êtes-vous, monsieur ?… cria le messager chez qui la colère montait d’instant en instant.
– Vous m’avez demandé mon nom, et je vous ai répondu que je m’appelle le comte de Margency. Quant à vous dire qui je suis, c’est autre chose !… La lettre, monsieur, ne parlons que de la lettre ! Voici ce qu’elle contient : un ordre de la signora Fausta au généralissime d’avoir à se tenir prêt à entrer en France et à marcher sur Paris avec son armée au premier signe qui lui en sera fait.
Le messager devint très pâle.
– Après ? gronda-t-il.
– Après ? Eh bien, mon cher monsieur, je ne veux pas que cette lettre arrive au camp de Farnèse, voilà tout !
– Vous ne… voulez pas ?…
A ces mots, le messager saisit son pistolet. Pardaillan en fit autant.
– Réfléchissez, dit-il. Remettez-moi cette lettre.
Et il braqua le canon du pistolet sur le messager. Celui-ci haussa les épaules :
– Vous ne songez pas à une chose, dit-il avec un calme que Pardaillan admira. Mais je tiens à vous le dire avant de vous tuer…
– Je suis tout oreilles.
– Eh bien, vous venez de me dire le contenu de la lettre, que j’ignorais. Je pourrais donc, si j’avais peur, vous remettre la missive, et transmettre l’ordre de vive voix…
– Non, fit Pardaillan, car le généralissime n’obéira qu’à un ordre écrit…
– En ce cas, vociféra le messager, je vous tue !…
En même temps il fit feu… Pardaillan, d’un coup d’éperon, fit faire à son cheval un écart qui eût désarçonné un cavalier ordinaire. La balle passa à deux pouces de sa tête. Presque aussitôt, il fit feu à son tour, non pas sur le cavalier, mais sur la monture : la bête frappée au crâne s’affaissa. Dans le même instant, le messager sauta et se trouva à pied, l’épée à la main. Pardaillan avait sauté aussi et tiré sa rapière.
– Monsieur, dit-il gravement, avant de croiser nos deux fers, veuillez m’écouter un instant. Je me suis nommé comte de
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