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Faux frère

Faux frère

Titel: Faux frère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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et des anguilles grillées. Agnès tendit la main. Il lui fallait manger, mâcher quelque chose. Tout d’un coup, un garnement jeta un crapaud mort, tout gonflé, dans la charrette. Le marchand saisit la charogne et la lança au loin, en dévidant des chapelets de jurons. Agnès ne laissa pas échapper cette occasion : elle fit main basse sur un petit pain de sarrasin dur et un morceau de fromage, puis, profitant d’une brèche dans la foule, s’enfuit dans un étroit passage nauséabond. Elle tourna à gauche. L’église se dressait devant elle. La jeune femme aurait poussé un cri de soulagement si elle n’avait pas eu la bouche pleine. Elle était arrivée. Elle n’avait plus rien à craindre. Elle gravit les marches branlantes et franchit sans bruit le porche obscur. Le message glissé sous sa porte avait été des plus laconiques : elle devait se rendre à l’église juste avant l’Angelus et y attendre l’arrivée de sa bienfaitrice.
    Agnès s’accroupit au pied d’un pilier et enfourna dans sa bouche le reste de pain et de fromage. Elle mâcha lentement le dernier morceau pour mieux en savourer les sucs. Son estomac s’était calmé et elle se sentait plus forte, mais oh, si fatiguée ! Ses yeux se fermaient malgré elle. Tout d’un coup elle entendit un chuchotement :
    — Agnès ! Agnès !
    Elle se redressa et scruta l’obscurité.
    — Où êtes-vous ? s’écria-t-elle.
    Pas de réponse. Effrayée, elle se rencogna contre le pilier. « Si je me tiens là, pensa Agnès, je demeure en sécurité. »
    — Je vous en prie ! supplia-t-elle. Que voulez-vous ?
    Elle entreprit de faire le tour du pilier, le visage tourné de côté, découvrant son cou. Cible ô combien vulnérable ! L’assassin, tapi derrière le pilier, la tua d’un seul mouvement de son coutelas bien affûté. Ses yeux grands ouverts reflétant la terreur, Agnès s’écroula sur les dalles tandis que son bourreau faisait une boule de la figurine de cire, l’enfouissait dans sa large manche et, quelques instants durant, contemplait le corps de la fille.
    — Adieu, Agnès ! chuchota-t-on. Moi aussi, je t’avais vue ! Ne t’en étais-tu pas rendu compte ?
    Corbett et Ranulf quittèrent Winchester le lendemain du départ de Maltote. Le roi en personne descendit dans la cour pour leur dire adieu et resta un moment à s’entretenir de questions mineures avec Corbett. Puis il saisit la bride de la monture et leva les yeux vers son clerc.
    — Vous vous emploierez sérieusement à cette tâche, n’est-ce pas. Hugh ? Vous mettrez un terme à ces assassinats ?
    — Je ferai de mon mieux, Sire !
    — Cette histoire de Puddlicott... marmonna le souverain.
    — C’est un scélérat ! Un jour ou l’autre, il se balancera au bout d’une corde !
    — Ce n’est pas si simple !
    Le souverain flatta l’encolure du cheval.
    — S’il est dans les bonnes grâces de Messire de Nogaret, Puddlicott nous donnera bientôt du fil à retordre, mais nous verrons bien ! poursuivit-il avec un sourire crispé.
    Il lâcha la bride et recula.
    — Mon salut à Lady Maeve et à la petite Aliénor ! Tenez-moi au courant de l’affaire ! Je vais passer quelque temps à Winchester, puis je partirai pour Hereford.
    Corbett acquiesça. Puis il donna une petite tape à sa monture, et, suivi de Ranulf qui menait le poney de bât, sortit du château par l’étroite allée pavée pour gagner la ville. Il ne s’était pas écoulé une heure qu’ils franchissaient les portes de Winchester au moment où les cloches sonnaient l’office de prime. Ils se dirigèrent vers l’est, suivant les chemins tortueux qui les amenèrent jusqu’à l’ancienne voie romaine. Sous un ciel limpide, alors que le soleil montait à l’horizon, Corbett mit son cheval à l’amble, respirant avec délices les douces senteurs de la campagne. Les paysans s’activaient dans leurs champs. Vaches et moutons se déplaçaient paresseusement dans les pâturages et broutaient l’herbe haute parsemée de primevères, de pervenches et d’autres fleurs sauvages. La rosée dégouttait encore des haies. Corbett prêta l’oreille au chant des coucous, des ramiers et des grives perçant l’obscurité de velours des frondaisons. Un gros lapereau dans la gueule, un renard leur coupa le chemin en quelques bonds et Ranulf, surpris, l’abreuva d’injures.
    Ils firent une petite halte pour déguster le pain blanc et le vin coupé d’eau que Ranulf avait

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