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Faux frère

Faux frère

Titel: Faux frère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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l’ameublement spartiate. Le contenu de coupes et de chaudrons – herbes médicinales broyées et autres concoctions – embaumait l’air. Le père Thomas, l’apothicaire, leur tournait le dos, penché sur une table près de la fenêtre.
    — Qui est-ce ? demanda-t-il, agacé d’être dérangé pendant qu’il disséquait une racine à l’aide d’un petit couteau bien aiguisé.
    — Nous allons repartir, si vous ne voulez pas de nous, mon père !
    Le moine se retourna ; c’était un homme de haute taille, au visage ingrat mais chaleureux.
    — Hugh ! Ranulf !
    Ses traits chevalins s’éclairèrent d’un sourire et il vint serrer la main du clerc qu’il connaissait depuis leurs années d’études à Oxford. Corbett accentua sa poignée de main.
    — Sir Hugh, à présent, mon père !
    Le moine fit une parodie de courbette avant de s’enquérir de la santé de Maeve et de saluer Ranulf, dont il se moqua gentiment : celui-ci se contenta de grimacer, sans lancer les habituels quolibets qu’il aimait tant décocher à ses amis et connaissances. Le père Thomas approcha des tabourets.
    — Avez-vous faim ?
    — Oui, répondit le clerc.
    Il n’avait rien mangé depuis le modeste plat de viande avalé dans la matinée... dont il avait vomi la majeure partie dans le cimetière de St Laurent-de-la-Juiverie. Le père Thomas ouvrit la porte et lança un ordre dans le couloir. Quelques minutes après, un frère convers apportait des petits pains, juste sortis du four et enveloppés d’un linge, ainsi que deux pichets pleins à ras bord de bière mousseuse.
    — C’est moi-même qui la brasse ! précisa fièrement le moine.
    Corbett savoura le goût piquant et frais de la boisson et, d’un sourire, montra qu’il l’appréciait tandis que Ranulf murmurait tout le bien qu’il en pensait.
    — Bon !
    Le père Thomas s’assit en face du clerc.
    — En quoi puis-je vous être utile, mon cher Hugh ? Un autre crime ? Un poison rare ?
    — Non, Thomas. Je veux que vous m’aidiez à mettre à nu l’âme d’un tueur. On vous a appris les meurtres de prostituées et l’assassinat de Lady Somerville ?
    — Oui, oui.
    — Je crois savoir que Lady Somerville est venue ici le soir de sa mort ?
    — En effet.
    Corbett se pencha :
    — Alors, mon père, dites-moi quel genre d’homme fréquente assidûment les filles perdues et leur tranche la gorge, avant de mutiler leurs parties génitales ?
    Le père Thomas grimaça.
    — Hugh, je sais que la digitale affecte le coeur, mais comment... ?
    Il hocha la tête d’un air navré.
    — L’arsenic rouge, à petites doses, peut soulager des maux de ventre, mais, si on l’administre en trop grandes quantités, il trouera l’estomac. Comment et pourquoi, je ne saurais le dire. Alors, en matière d’esprit, de cerveau, de conscience, je ne peux qu’avouer mon ignorance !
    Avec un profond soupir, il se retourna vers son bureau. Un crâne jaunâtre y était posé. Il le prit et le tendit sur sa paume ouverte.
    — Regardez, Hugh ! Il y avait un cerveau dans ce crâne. Au creux de ma main, je tiens un écrin qui renfermait autrefois le pouvoir de rire et de pleurer, de raconter des histoires et de chanter, de sonder peut-être les secrets de la Création ou de concevoir les plans d’une belle cathédrale.
    Il reposa le crâne sur le sol.
    — Lors de mes études à Salerne, j’ai rencontré des médecins arabes : l’esprit humain, affirmaient-ils, le contenu d’un crâne et le fonctionnement du cerveau sont aussi mystérieux que la nature divine elle-même.
    S’enflammant pour ce thème, il rajusta machinalement son habit.
    — En un mot comme en cent, Hugh, ces médecins avancent un certain nombre de théories, la principale étant que toutes les maladies du corps proviendraient de l’esprit. Ils vont jusqu’à soutenir que les gens guéris par des miracles se sont, en fait, guéris eux-mêmes. Ils soulignent aussi qu’à l’instar du corps affecté par ce qu’il mange et boit, l’esprit est influencé par ce qu’il subit. Des individus naissent bien avec des becs-de-lièvre ou des membres déformés. Peut-être d’autres viennent-ils au monde avec un esprit pervers qui les pousse à tuer !
    — Prêtez-vous foi à cela, mon père ?
    — Non, pas vraiment.
    — Alors, comment expliquer le comportement de notre tueur ?
    Le moine fixa ses mains.
    — Reprenons tout cela ! Ces Arabes affirmaient que le cerveau –

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