Faux frère
être utile ?
— Mon frère, deux dames sont arrivées au prieuré, le lundi 11 mai, des Dames de sainte Marthe, Lady Somerville et Lady Mary Neville.
— En effet. Elles sont venues voir deux malades, des femmes que nous avons recueillies.
— Que s’est-il passé ?
— Elles sont restées environ une heure à bavarder, puis Lady Somerville annonça qu’elle devait s’en aller. Lady Neville s’efforça de l’en dissuader et lui offrit de l’accompagner pour traverser Smithfield, mais l’autre, la plus âgée, Lady Somerville, refusa, en affirmant qu’elle ne risquait rien. Elle est partie... et voilà.
— Quand Lady Mary Neville a-t-elle quitté l’hôpital ?
— Peu de temps après.
— Quel chemin a-t-elle pris ?
— Je l’ignore, Sir Hugh, répondit le jeune moine avec un sourire.
Corbett le remercia et frère David se dirigea vers le seuil et allait l’atteindre lorsqu’il se retourna et déclara :
— Je suis au courant de l’assassinat de Lady Somerville. Son corps a été retrouvé près du gibet de Smithfield, n’est-ce pas ?
— En effet.
Frère David désigna la fenêtre :
— Le soir tombe, la foire aux chevaux s’est achevée. Si cela vous intéresse, je connais un mendiant, un malheureux à moitié fou, qui a perdu ses jambes à la guerre. Je crois qu’il pourra vous aider. La nuit, il dort sous le gibet. Il s’y sent en sécurité.
Frère David haussa les épaules.
— Il a, peut-être, été témoin de quelque chose. Une nuit qu’il passait près de la porte du prieuré, je l’ai entendu hurler que le démon rôdait dans Smithfield. Je lui ai demandé ce qu’il voulait dire, mais il vit dans un monde imaginaire et passe son temps à proclamer qu’il voit des apparitions.
Sur ce, le jeune moine referma la porte derrière lui. Corbett croisa le regard du père Thomas, puis celui de Ranulf.
— Sinistre ! murmura-t-il. Le tueur pourrait être n’importe qui, mais je suis convaincu que la mort de Lady Somerville est à la source de cette affaire.
Ils prirent congé du père Thomas. Corbett consacra quelques moments aux vieilles commères à qui Lady Neville et Lady Somerville avaient rendu visite le soir du 11 mai. Mais elles n’avaient plus toute leur tête et leurs divagations ne rimaient à rien, aussi Corbett les quitta-t-il rapidement. Il rajusta sa cape dans la cour de l’hôpital et dévisagea Ranulf qui, toujours silencieux, semblait perdu dans ses pensées.
Il le taquina gentiment :
— Qu’y a-t-il, Ranulf ?
— Rien, mon maître !
Corbett passa son bras sous celui de son compagnon.
— Allons ! Allons ! Tu t’es montré d’une discrétion de nonne !
Se libérant d’une secousse, Ranulf s’éloigna et contempla le jour qui tombait. Les derniers rayons du soleil illuminaient le ciel bleu et une légère brise leur apportait les bruits lointains de la ville.
— Quelque chose m’intrigue, murmura-t-il, mais je ne veux pas en parler pour l’instant.
— Et le reste ?
Ranulf soupira.
— Peut-être que je vieillis, Messire. Je cours les tavernes et fais la fête. Je m’acoquine avec le genre de filles que ce scélérat a massacrées. Je lis la joie dans leurs yeux quand je les lutine et les couvre d’or.
Il laissa échapper un soupir.
— Mais, à présent, j’entrevois un autre aspect de leurs vies et...
— Et quoi ?
— Ce qui m’inquiète, Messire, c’est ce que vient de dire le père Thomas. Le meurtrier peut être n’importe qui. Si vous et moi n’avions pas été à Winchester, nous serions suspects comme tout habitant de cette ville – y compris notre ami Alexander Cade !
Le visage de Corbett se durcit :
— Qu’insinues-tu ?
— Eh bien, Cade est un bon officier. Il n’accepte jamais de pots-de-vin, il va jusqu’au bout des choses et il ne se laisse pas marcher sur les pieds. Alors pourquoi est-il resté si silencieux à l’abbaye ? Et j’ai également remarqué qu’à St Laurent-de-la-Juiverie il s’est éloigné prestement du dépositoire et s’est tenu en retrait. Je me trompe peut-être, mais, comme vous, je pense qu’il cache quelque chose.
— J’ai bien l’impression que tous cachent quelque chose ! rétorqua Corbett. Tu as entendu le père Thomas. Nous nous trouvons confrontés à un être qui mène une double vie ; le jour, il est sans reproches, mais la nuit, il rôde dans les rues et venelles avec une seule idée en tête : tuer ! Eh bien,
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