Fiora et le Magnifique
faire de
grandes choses avec. A Rome tu t’ feras une fortune et t’arriveras peut-être
même un jour à t’ venger. Alors maintenant tu t’ couches et tu dors ! Quant
à celle-là...
– Qu’est-ce
que tu vas lui faire ? s’écria Fiora déjà sur la défensive en entourant
Khatoun de ses bras.
– J’
pensais la tuer parce qu’y a qu’ les morts qui parlent pas mais y a peut-être
mieux à faire...
– Quoi ?
– La
déballer d’ ses chiffons pour voir c’ qui y a dessous ! Une esclave
tartare ça vaut cher. Elle sait faire quoi ?
– Chanter,
danser, jouer du luth... Mais je t’interdis de la mettre sur un marché d’esclaves.
Elle est à moi et j’ai beaucoup d’affection pour elle. Si tu nous sépares, tu n’obtiendras
rien de moi. Je réussirai bien à me tuer !
Sans
répondre mais avec un soupir excédé, Pippa fit lever Khatoun et entreprit de la
dépouiller. Elle ressemblait à quelque grand singe roux en train d’éplucher une
noix fraîche. Trop fatiguée pour seulement songer à réaliser, Khatoun se
laissait faire mais elle vacillait sur ses jambes et ses yeux se fermaient d’eux-mêmes
en dépit des efforts qu’elle faisait pour les garder ouverts. Sans paraître s’en
apercevoir, la Virago la soumit au même examen qu’elle avait fait subir à
Fiora. Celle-ci attendait impatiemment qu’elle eût fini mais, soudain, elle
sursauta, n’en croyant pas ses yeux ni ses oreilles : entre les mains de
Pippa qui glissaient doucement sur son corps, Khatoun gémissait, se tordait,
bien réveillée cette fois, en dépit de ses yeux qui à demi révulsés se
fermaient. Elle ronronnait comme une chatte sous ce qu’il fallait bien appeler
des caresses. Et, soudain, elle se laissa tomber sur ses genoux écartés, ses
mains agrippées à ses seins tandis que les doigts de Pippa cherchaient son
intimité. Le jeune corps d’ivoire se tendit comme un arc, haletant comme une
bête assoiffée puis s’affaissa dans un cri et se tordit en un long spasme...
Pippa, qui s’était agenouillée, se releva comme si ce qui venait de se passer
était la chose du monde la plus naturelle :
Elle
lança à Fiora abasourdie un regard narquois :
– Devrait
savoir faire aut’chose que danser et jouer du luth, c’te petite ! T’as
jamais fait l’amour avec elle ?
– Tu
es folle ? s’écria Fiora indignée ? L’amour, on ne peut le faire qu’avec
un homme... et un homme que l’on aime !
– Eh
bien, t’as encore pas mal de choses à apprendre ! On peut se rendre de
grands services entre femmes, des services bien agréables qui font oublier la
brutalité des hommes. Sont rares ceux qui savent donner du plaisir. La plupart
s’comportent comme des reîtres dans une ville prise d’assaut. Tandis qu’une
autre femme... Tu veux que j’te montre ?
– Non
merci ! dit Fiora qui, à présent, regardait avec un peu de dégoût le corps
inerte de Khatoun passé sans transition de la volupté au sommeil. Elle avait l’impression
que sa petite esclave venait d’être souillée... Pippa éclata de rire, se
baissa, ramassa Khatoun sans effort apparent puis la jeta sur le lit :
– Fais
pas cette tête-là ! C’est naturel c’qui vient d’se passer, surtout pour
une fille d’Asie. Garde-la c’te nuit ! Demain j’la mettrai au travail.
Pour l’instant, elle est tellement crevée qu’elle se rappellera même pas c’qui
vient d’se passer...
Elle
allait sortir quand elle se retourna :
– Au
fait ! Toi aussi, d’main soir tu s’ras au travail. Et ça risque d’pas être
drôle. Mais j’ t’aiderai !
Cette
nuit-là Fiora ne réussit pas à trouver le sommeil. La maison, livrée à l’orgie,
résonnait comme un tambour et résonnait aussi la tête de la jeune femme. Les
chansons d’ivrognes, les cris, les rires et les râles, elle entendait tout et
ce tout lui répugnait. Vers deux heures, des grands coups de pied furent donnés
dans sa porte mais la serrure était solide et personne n’entra. Il y eut aussi
des injures, des gémissements douloureux et elle comprit ce que Pippa voulait
dire quand elle parlait de la brutalité des hommes... En se tournant sur le
côté, elle vit Khatoun qui dormait profondément et sentit une profonde pitié l’envahir.
Du même coup, elle s’en voulut de l’avoir un instant méprisée. Pauvre petit
être qui venait de lui montrer un si grand dévouement, qui s’était livrée
volontairement au froid, à la pluie, à
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