Fiora et le Magnifique
argent comme une
immense tapisserie qui se serait mise à vivre par la volonté de quelque tout-puissant
magicien.
Justement
ledit magicien allait faire son apparition. Annoncé par la sonnerie triomphale
des longues trompettes d’argent auxquelles pendait, sur un carré de cendal
blanc le lys rouge de Florence, précédé de porte-étendard qui faisaient tournoyer
et lançaient en l’air leurs bannières bariolées, un brillant cortège venait de
faire son apparition. En tête, vêtu de velours vert sombre ourlé de zibeline,
un large collier d’or ciselé au cou et une fortune en perles et en rubis à son
bonnet marchait Lorenzo de Médicis, le roi sans couronne de cette étrange
république, le maître de vingt-sept ans auquel elle avait donné son cœur bien
qu’il fût aussi laid que son frère était beau. Mais de quelle puissante laideur !
Le Magnifique portait sur un long corps maigre et vigoureux un visage quasi
simiesque auquel le reflet d’un génie triomphant, d’une intelligence
exceptionnelle tenaient lieu de beauté. Les cheveux noirs et raides, le nez
long et pointu, les traits fortement accusés et une grande bouche aux lèvres
minces ne pouvaient rien contre la fascination qui s’emparait de quiconque le
rencontrait ni contre l’attrait que cet aspect énigmatique et sombre exerçait
sur les femmes.
Le
pouvoir politique avait été dévolu aux deux frères à la mort de leur père,
Piero le Goutteux, or cette égalité n’était qu’apparente. Le seul chef c’était
cet homme exceptionnel sur les larges épaules duquel reposaient l’une des plus
grosses fortunes d’Europe, les responsabilités du pouvoir et les ramifications
compliquées d’une politique qui ne s’étendait pas seulement aux relations avec
les autres Etats italiens mais aussi avec les grandes puissances telles que la
France, l’Angleterre, l’Allemagne, la Castille et l’Aragon. Banquier des rois
qui comptaient avec lui, le Magnifique avait resserré avec la France les liens
d’amitié jadis tissés par son père auquel le roi Louis XI avait offert la
faveur insigne de graver les fleurs de lys sur l’une des sept balles qui
composaient se armes.
Lorenzo
arrivait alors au sommet de son pouvoir et en connaissait cependant les
faiblesses. Il avait étendu le frontières de Florence, conquis Sarzana, maté
les révolte de Volterra et de Prato, vaincu la faction des Pitti envoyé en
exil, épousé une princesse romaine et de tout cela 1 peuple lui était
reconnaissant. Il avait évincé du Conseil de la république de grandes familles
nobles comme le Guicciardini, les Ridolfi, les Nicolini et les Pazzi pour le
remplacer par des gens de petite condition et ces gens dont les fortunes
étaient encore respectables, rongeaient leur frein et entretenaient une
clientèle qui pouvait toujours susciter des remous, armer des assassins. Aussi
Lorenzo, sous une apparence joviale et détendue, cachait il une prudence et
même une méfiance toujours au : aguets car, même s’il avait succédé à son
père et celui-ci son propre père, Cosimo le Vieux, il savait qu’il tenait soi
pouvoir du peuple et non du droit divin. Cependant, il régnait, roi sans
couronne, tandis que son jeune frère Giuliano se contentait, joyeusement et
sans chercher à en obtenir davantage, du rôle aimable du Prince Charmant rôle
qu’il remplissait à merveille. Florence l’aimait pou sa jeunesse, sa beauté,
son élégance et même pour se folies car il lui offrait d’elle-même une image
séduisante...
Répondant
d’un sourire et d’un geste de la main aux vivats frénétiques dont la foule
saluait son arrivée, le Magnifique s’avança vers la grande tribune, menant par
la main celle qui allait être la reine du tournoi, cette Simonetta Vespucci que
l’on acclamait presque autan que son guide et que Fiora détestait de toute l’ardeur
jalouse de ses dix-sept ans. D’autant plus qu’elle était bien obligée d’admettre,
même si cela lui arrachait le cœur, que cette rivale inconsciente était
absolument ravissante.
Longue,
fine avec un corps souple et charmant qui était la grâce même, un mince cou
flexible, un petit nez un peu retroussé et de grands yeux bruns, doux comme
ceux d’une biche, Simonetta portait fièrement sa petite tête parfaite alourdie
d’un casque de cheveux d’or roux fait de tresses brillantes, retenues par des
épingles de perles et entremêlées d’un mince cordon d’or natté
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