Fiora et le Magnifique
tout autour qui, au sommet,
portait un soleil et, au milieu, une figure de Pallas en cothurnes bleus et
tunique d’or sur une robe blanche qui ressemblait beaucoup à Simonetta. Cette
figure posait les pieds sur des flammes qui brûlaient des branches d’olivier
alors que, vers le haut, d’autres branches demeuraient intactes. Elle avait sur
la tête un casque bruni à l’antique et des cheveux tout tressés qui volaient au
vent. Dans sa main droite, elle tenait une lance et de la gauche le bouclier de
Méduse. Auprès d’elle, il y avait une prairie émaillée de fleurs et un tronc d’olivier
auquel le dieu d’amour était lié avec des cornes d’or. A ses pieds, Éros avait
un arc, un carquois et des flèches brisées. Enfin dans une branche de l’olivier
quelques mots étaient écrits en français et en lettres d’or : « La
sans par (eille) ». Ladite Pallas regardait fixement le soleil.
Ce
monument fit grand effet mais, de sa place, Fiora entendit l’ambassadeur
vénitien demander à son voisin, un certain Augurelli de Rimini, ce que cela
signifiait. L’autre ne put que hausser les épaules dans un geste d’ignorance. L’explication
allait venir cependant quand Poliziano, du haut de la tribune, entama la lecture
d’un long poème de son cru qui était censé raconter un songe de Giuliano, cela
pendant que les cavaliers évoluaient gracieusement pour faire valoir leur
habileté et la beauté de leurs montures :
Il lui
semble voir sa dame, cruelle,
Toute
sévère et arrogante de visage,
Lier
Cupidon à la verte colonnette
De l’heureux
arbuste de Minerve,
Armée
par-dessus sa blanche robe
Et
protégeant son chaste sein avec la Gorgone
Et il
semble qu’elle lui arrache toutes les plumes des ailes
Et qu’elle
brise l’arc et les traits du malheureux.
Mais
dans son rêve Giuliano promet à Pallas de porter ses couleurs sur le champ clos
et ainsi s’achève le poème qui fut fort applaudi, non sans soulagement,
peut-être. Pour sa part, Fiora afin de se désennuyer observait l’étranger qui l’avait
tant intriguée mais elle dut détourner souvent son regard parce que, la plupart
du temps, ses yeux et ceux du Bourguignon se rencontraient, ce dont elle
éprouvait une bizarre impression de gêne mêlée de plaisir secret.
Le
spectacle des joutes finit par retenir l’attention de tous mais c’était plutôt
un ballet bien réglé qu’un véritable combat. Les armes en étaient courtoises et
le jeune Médicis vint à bout sans grande peine de presque tous ses adversaires.
Deux seulement lui donnèrent du fil à retordre.
Le
premier fut Luca Tornabuoni au cimier duquel était attaché le petit mouchoir
blanc et or de Fiora et qui se donna vraiment beaucoup de peine pour venir à
bout du plus jeune des Médicis. Sans y parvenir d’ailleurs. Comme les autres il
vida les étriers et Fiora en éprouva un peu d’irritation : elle n’avait
pas donné son gage à cet imbécile pour qu’il le fasse traîner dans la
poussière...
Le
second était inattendu. Alors que Giuliano allait être proclamé vainqueur, un
cavalier dont l’armure ordinaire tranchait avec les brillants équipements des
autres se présenta et alla frapper de sa lance le bouclier de Giuliano. C’était
un homme jeune, laid, courtaud, noir de poil et brun de peau. En l’apercevant,
Lorenzo fronça les sourcils.
– Tu
arrives bien tard, Francesco Pazzi. Pourquoi n’as-tu pas fait connaître plus
tôt ton désir de prendre part à la giostra ?
– Parce
que je n’ai pas envie de me déguiser. Je me présente à mon heure, à moins que
ce tournoi ne soit pas ouvert à tout appelant ?
– Pourquoi
ne le serait-il pas ? Et si tu souhaites te mesurer à mon frère...
– A
lui ou à n’importe quel autre, c’est sans importance ! Ce que je veux, c’est
recevoir la couronne et le baiser de la main et des lèvres de la belle
Simonetta. A moins que ses faveurs ne soient réservées exclusivement à ton
frère ?
– Si
tu les veux, viens les chercher, gronda Giuliano furieux. Mais tu ne les auras
pas sans peine...
– C’est
ce que nous verrons !
Le
combat qui s’engagea n’avait plus grand-chose de courtois. Pazzi se battait
avec hargne, Giuliano avec rage et cela donna lieu à quelques échanges de coups
qui attirèrent les applaudissements du public. Pour sa part, Fiora fut assez
satisfaite de cette lutte sans concessions car elle avait enfin effacé le
demi-sourire ironique de
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