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Fiora et le Magnifique

Fiora et le Magnifique

Titel: Fiora et le Magnifique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Avec dégoût, Fiora repoussa l’écuelle :
    – La
cuisine du couvent n’a pas fait de progrès depuis ma dernière visite,
persifla-t-elle. Je pensais avoir droit à un autre traitement ?
    – Voyez-moi
la mijaurée ! s’écria la sœur qui était une grosse fille rougeaude et
moustachue. Notre mère est bien bonne de consentir à recevoir ici et à nourrir
une fille du diable comme toi ! Tu devrais l’en remercier à genoux.
    – Ah !
Parce qu’à présent je suis une fille du diable ? J’ai pourtant été
baptisée. Et, il n’y a pas si longtemps, lorsque je venais ici, on ne ménageait
ni les flatteries ni les douceurs à celle en qui l’on voyait la fille du très
riche
    Francesco
Beltrami. Et maintenant je devrais remercier à genoux pour une soupe dont ne
voudraient pas les cochons ? Va dire à la mère prieure que je désire lui
parler !
    – On
ne parle pas comme ça à la mère prieure ! Elle est à la chapelle pour unir
ses prières à celles de cette sainte dame que l’on nous a envoyée avec toi et
qui va souffrir par ta faute.
    Entendre
traiter Hieronyma de sainte dame était vraiment un comble ! Fiora regarda
la grosse religieuse avec un franc dégoût et haussa les épaules :
    – N’ai-je
pas le droit de prier, moi aussi ? Qu’on me mène à la chapelle !
    – Les
sorciers se prétendent toujours meilleurs chrétiens que les vrais. Nos sœurs ne
veulent pas être souillées par ta présence et, si tu veux prier...
    De son
gros doigt tremblant de colère elle désigna la croix pendue au mur :
    – Tu
n’as qu’à prier ici ! Notre-Seigneur est partout mais, bien sûr, tes
pareilles ne savent prier que sur des coussins de velours et en respirant le
parfum de l’encens...
    – Va-t’en !
jeta Fiora excédée. Et remporte cette ignoble soupe. Le pain et l’eau seront
suffisants.
    Avec
un mauvais sourire, la sœur laissa tomber l’écuelle qui se brisa en
éclaboussant le bas de la robe noire de Fiora :
    – Je
dirai que c’est toi qui as fait ça, fit-elle méchamment. J’espère qu’on te donnera
le fouet !
    – Je
ne le conseille pas à tes sœurs sinon dans trois jours lorsque je serai en face
de la Seigneurie, je dirai comment j’ai été traitée dans cette maison à
laquelle j’ai été confiée. D’ailleurs, je le dirai de toute façon. Je dirai
quelle différence on a fait entre moi et la femme qui a assassiné mon père. Je
serais surprise que monseigneur Lorenzo en soit satisfait.
    La
sœur sortit en claquant la porte mais sans oublier de la refermer à double
tour. Restée seule, Fiora alla s’asseoir sur son lit. Jamais elle ne s’était
senti le cœur aussi lourd. Elle était résignée à mourir mais fallait-il
vraiment que ses derniers jours se passent dans la laideur, la crasse et la
mesquinerie ? N’était-il pas assez dur, déjà, de n’avoir plus d’espérance
que dans la mort, alors qu’elle avait seulement dix-sept ans ?
    Alors
même qu’elle s’efforçait au détachement des biens de ce monde, la nature en
elle demeurait vivace et réclamait son dû. Elle s’aperçut qu’elle avait faim,
entama à belles dents le pain qui n’était pas trop dur et but quelques gorgées
de l’eau qui était fraîche et pure. Elle se sentit un peu moins misérable mais
elle avait froid. La fenêtre n’était qu’une ouverture dans le mur et aucun
vitrage ne défendait la pièce contre la température extérieure. Or la pluie,
qui avait débuté au moment de l’arrivée à Santa Lucia, tombait à présent par
rafales rageuses, poussée par un vent violent venu du nord. Elle pénétrait dans
ce qu’il fallait bien appeler une prison, agrandissant la flaque d’eau grasse
laissée par l’écuelle brisée.
    Fiora
eut envie de ramasser les débris de terre cuite et de nourriture qui
souillaient le sol pour les jeter par la fenêtre mais son orgueil la retint. Ce
n’était pas à elle à faire ce travail de servante. Elle entendait protéger au
moins sa dignité autant que faire se pourrait. Après l’ordalie, si elle
survivait, il adviendrait d’elle ce qui plairait à une Providence qui ne
semblait pas lui montrer beaucoup d’intérêt. Mais, ce dont elle était sûre, c’est
qu’elle combattrait jusqu’à l’extrême limite de ses forces pour que justice lui
soit rendue.
    Isocrate
avait écrit quelque part : « Il ne faut pas se décourager quand on
doit s’exposer au danger pour une juste cause. » Se souvenir de

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