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Fiora et le Magnifique

Fiora et le Magnifique

Titel: Fiora et le Magnifique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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rien.
C’est un grave péché qu’accuser une innocente !
    – Innocente ?
Qu’en sais-tu ?
    – Pauvre
femme ! Il faut la voir prier, les bras en croix dans notre chapelle, avec
des larmes et des supplications afin que la lumière touche enfin ton cœur
endurci pour être sûre que son âme est toute pure...
    – Parce
qu’elle prie pour moi ? articula Fiora sidérée.
    – Elle
ne fait que cela. C’est pourquoi je dis : repens-toi !
    Et sur
cette dernière injonction, la religieuse sortit et referma la porte de cette
nouvelle cellule aussi soigneusement que l’ancienne, laissant Fiora partagée
entre la colère et l’écœurement. Elle n’avait jamais imaginé que l’hypocrisie
de Hieronyma pût atteindre de tels sommets. Elle chercha autour d’elle quelque
chose sur quoi passer sa fureur mais, s’il était plus confortable et surtout
plus propre, ce nouveau logement était aussi dépouillé que le précédent.
    Un
lit, un vrai lit cette fois bien qu’il fût étroit comme une couchette,
occupait, avec ses minces colonnettes à rideaux blancs l’un des côtés ; un
lit sur lequel on avait déposé une robe et un voile blanc de novice. Il y avait
deux escabeaux et un petit coffre sur lequel étaient placés une aiguière et une
cuvette. Au-dessus du coffre une main inconnue, mais inspirée par l’œuvre de
Fra Angelico chez les dominicains de San Marco, avait retracé, beaucoup plus
laborieusement, la mort de sainte Lucie devant le préfet de Syracuse
Paschasius. Debout auprès de la martyre agenouillée qui regardait le ciel en
louchant affreusement, le bourreau l’égorgeait, faisant jaillir un flot de sang
que le peintre avait enrichi d’or pour bien montrer à quel point il était
précieux. Fiora savait que la vie de la sainte, partagée en une série de fresques,
ornait certaines cellules des religieuses, les autres racontant la vie du
Christ et celle de sainte Agathe sur le tombeau de laquelle Lucie avait été
touchée par la grâce.
    Poussée
par la curiosité et sachant que les nonnes faisaient vœu de pauvreté, Fiora ôta
les ustensiles de toilette et ouvrit le coffre mais le referma aussitôt avec un
frisson de dégoût : il contenait, en effet, un martinet, une ceinture à
pointes de fer et un cilice de crin destinés tous trois à la mortification du
corps et au châtiment des pensées impures... Elle se demanda si toutes les
cellules contenaient ce genre d’instruments et par quelle aberration des femmes
qui se voulaient les épouses d’un Dieu de douceur, d’amour et de miséricorde en
arrivaient à utiliser de tels moyens. Quelles amours blessées, quelles passions
étouffées pouvaient recourir à la douleur physique pour en effacer le souvenir ?
L’amour, tel qu’elle-même l’avait connu entre les bras de Philippe, laissait-il
des traces si insupportables ou bien était-ce, au contraire, le regret, pour
celles qui entraient vierges dans cette maison, de n’avoir jamais rien connu de
semblable ?
    Pour
sa part, Fiora ne regrettait rien, et dût-elle survivre, elle savait qu’elle ne
demanderait jamais à un fouet ou à un cilice d’essayer de lui arracher le
souvenir des caresses qu’elle avait connues. Son étrange époux n’avait voulu qu’une
nuit d’amour et il la lui avait donnée, inoubliable. Jamais Fiora ne
chercherait à en effacer le souvenir, bien au contraire et si, à présent, elle
souhaitait tirer vengeance c’était surtout des moyens employés pour obtenir
cette même nuit... et la grosse somme en or qui en était le corollaire. C’était
parce que Philippe n’avait pas hésité à éveiller l’amour d’une jeune fille en
sachant fort bien qu’après l’avoir faite sienne il l’abandonnerait à tout
jamais. Il avait fait les affaires de son maître en contentant son propre
désir. Quant à cette fable qu’il voulût en mourir, la jeune femme n’y croyait
pas. Le seigneur de Selongey aimait bien trop la vie pour songer à la perdre.
Il faisait trop bien l’amour pour y renoncer à tout jamais... D’autres femmes
recevraient ses baisers, ses caresses et, même si cette pensée lui faisait
grincer des dents de rage impuissante, Fiora ne la repoussait pas. Philippe
avait trop bien su manœuvrer l’habile commerçant qu’était Beltrami pour ne pas
s’encombrer la conscience du souvenir d’un mariage, même déshonorant et qu’il
renierait demain. Il était si facile d’oublier celle qu’avec tant de
désinvolture il avait

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