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Fiora et le Magnifique

Fiora et le Magnifique

Titel: Fiora et le Magnifique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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pour qu’il soit possible de leur tirer une vérité
mais il existe un moyen de faire éclater cette vérité. Je propose d’en appeler
au jugement de Dieu. Soumettons-les l’une et l’autre à l’épreuve de l’eau !
    Il y
eut un grand silence. Dans cette Florence où la liberté d’esprit et les
lumières de la philosophie grecque avaient acquis droit de cité au point d’inquiéter
souvent l’Église, l’ordalie n’était guère usitée parce qu’on la considérait
comme une pratique d’un autre âge. Tout de suite, d’ailleurs, Lorenzo protesta
et chacun put voir, au coup d’œil irrité qu’il lui jeta, que le moine espagnol
ne lui plaisait pas plus que sa proposition ;
    — Ne
pouvons-nous, avant d’en venir à cette extrémité, accorder quelque confiance
aux hommes qui, en cette ville, sont chargés de l’ordre et de la justice :
à nos magistrats, au bargello [xi] et au gonfalonier Petrucci ? Je les crois capable de découvrir l’assassin
de Francesco Beltrami... ou les assassins s’il s’agit d’un exécutant.
    Cette
flatterie détendit l’atmosphère, les prieurs se trouvant satisfaits que l’on
rendît ainsi à leurs mérites ce qu’ils estimaient leur revenir. Lorenzo,
encouragé par quelques hochements de tête approbateurs, allait poursuivre pour
exploiter son avantage quand Hieronyma s’avança et vint s’agenouiller devant
fray Ignacio.
    – Je
suis prête, en ce qui me concerne, à me soumettre au jugement du Très Haut et j’estime,
très révérend père, que vous avez toute raison. Seul Dieu peut me laver d’une accusation
infâme mais qui ne m’étonne pas, venant d’une telle créature !
    La
stupeur, en face de l’incroyable audace de cette misérable, suffoqua Fiora.
Méprisait-elle Dieu au point de prétendre l’associer à son crime et en faire
son complice ? Mais, en se relevant, Hieronyma déjà triomphante se
tournait vers elle.
    – A
toi, à présent, fille de rien ! Qu’as-tu à dire ?
    Ainsi
interpellée, Fiora, repoussant doucement Léonarde qui tentait de la retenir, s’avança
calmement mais, au lieu d’aller vers le moine étranger, c’est devant la
Seigneurie qu’elle s’agenouilla :
    – J’accepte,
moi aussi, de comparaître devant le tribunal de Dieu et je répète bien haut mon
accusation : mon père, que personne ne m’empêchera jamais d’appeler ainsi,
a été tué par l’ordre de cette femme et je remercie le vénérable frère Ignacio
de me permettre ainsi d’apporter la preuve qui me manque.
    Une
grande paix était entrée soudain en elle. Bien sûr, elle savait qu’en acceptant
l’ordalie elle acceptait du même coup la mort presque certaine : dans deux
ou trois jours, en chemise et étroitement liée de cordes qui lui interdiraient
tout mouvement, elle serait jetée à l’Arno alors en crue avec bien peu de
chances de reparaître à la surface mais, du moins, elle irait rejoindre son
père hors d’une vie qui ne l’intéressait plus guère. Le seul être capable de la
défendre n’était plus, l’homme qu’elle aimait l’avait bafouée, rejetée sans
espoir de retour, enfin elle venait de voir s’écarter d’elle ceux qui disaient
l’aimer et la ville entière, qui hier lui souriait et la flattait, se tourner
contre elle avec cette joie féroce des médiocres qui voient s’abattre soudain
un être jusque-là privilégié.
    Une
seule chose la consolait : elle mourrait, soit, mais Hieronyma partagerait
son sort. A moins que... à moins qu’elle n’eût dans sa cervelle retorse conçu
un moyen d’échapper à la noyade. Mais quel moyen ?
    Visiblement,
le Magnifique se posait la même question.
    Son
regard sombre ne quittait pas Hieronyma et, pas plus que Fiora, il ne
réussissait à comprendre ce qui avait bien pu pousser cette femme à se jeter
sur la proposition du moine espagnol comme sur une chance extraordinaire ?
Mais à la suite de la double acceptation, le tumulte était reparti. Tout le
monde parlait à la fois et il fut bien difficile de ramener le calme. Seuls
Lorenzo et les deux moines demeuraient impassibles attendant que le vacarme s’apaisât.
Enfin, les membres de la Seigneurie parvinrent à se mettre d’accord et l’on
décida qu’après trois jours révolus les deux femmes seraient menées au milieu
du fleuve, chacune dans une barque, et jetées à l’eau par la main du bourreau
après s’être confessées et avoir entendu messe. La décision de la Seigneurie
dépendrait,

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