Fiora et le Pape
Rocco.
– C’est
pourtant vrai ! Mais qui tu es ?
– Je
vais te le dire, mais réponds-moi d’abord. Puisque tu surveilles cette route,
tu n’as pas vu passer, la nuit dernière, des cavaliers escortant une litière ?
– Pas
la nuit dernière : hier au petit matin. Une drôle de caravane et, crois-moi,
c’était pas l’envie qui me manquait de remonter tous mes hommes en chevaux,
mais ils étaient un peu trop bien armés pour de modestes brigands comme nous.
– C’est
bien dommage ! gémit Fiora. Si tu les avais attaqués, tu aurais sans doute
évité un grand malheur...
– Doucement !
Le malheur, il aurait sûrement été pour moi et ces bons garçons qui se sont
enrôlés sous ma bannière. Mais revenons où nous en étions : qui es-tu ?
– Je
m’appelle Fiora Beltrami et je suis l’amie de donna Catarina. Pour compléter le
tableau, j’ajoute que je suis aussi l’ennemie jurée de son rustre d’époux...
Oh, et puis, en voilà assez ! Je suis là à faire l’imbécile, à discuter
avec un coupeur de bourses alors que les Médicis seront peut-être morts demain !
Elle
voulut se lever, mais Rocco l’en empêcha et la renvoya sur la paille. En même
temps, il avait poussé un véritable rugissement :
– Qu’est-ce
que tu dis là ? Qu’est-ce que cette histoire de mort ?
– C’est
un peu long à t’expliquer. Sache seulement que, si je suis si pressée, c’est
parce que la comtesse et moi nous voulons essayer de les sauver. Ceux que tu as
vu passer hier sont leurs assassins !
Il y
eut un silence et Rocco tira de sa ceinture un long couteau aussi peu rassurant
que possible, mais il se contenta de couper la corde qui liait les poignets de
la prisonnière. Puis il fit quelques pas de long en large, réfléchissant
visiblement.
– Si
je t’aide, tu crois que je peux espérer une bonne récompense ? fit-il en
fourrageant dans sa barbe.
– Sur
la mémoire de mon père, assassiné par ces Pazzi que tu as vu passer, je te le
jure. Mais pourquoi ferais-tu quelque chose pour les Médicis ?
– Le
Magnifique m’a sauvé la vie à Volterra. J’avais tué une fille que Vitelli se
réservait et il a voulu me pendre. Lorenzo a coupé la corde et m’a rendu la
liberté. Ce sont des choses qu’un homme d’honneur n’oublie pas. Mais assez
causé : on aura le temps en route. Je vais avec toi ! Ce sera encore
le meilleur moyen de surveiller mon cheval.
– A
deux sur son dos ? Ce sera surtout le meilleur moyen de le faire crever ou
alors nous devrons aller au pas. Je te dis qu’il faut se hâter !
– Il
nous portera bien une petite demi-lieue ? Je sais où on peut en trouver un
dès l’instant où l’on a de l’or, ajouta-t-il en caressant la bourse qu’il avait
attachée à sa ceinture par les cordons. A présent, viens manger un morceau de
ce mouton qui va bientôt brûler... mais recoiffe-toi. Je préfère que tu restes
un garçon.
Comme
Rocco l’y invitait, Fiora dévora un morceau de l’animal qui était rôti à point
et le fit descendre avec un coup de vin râpeux, tandis que le chef, tout en
mangeant, haranguait ses hommes – une dizaine tout au plus :
– Je
vais accompagner ce garçon car il me propose une affaire intéressante, mais je
reviendrai bientôt. Orlando, ajouta-t-il en désignant une espèce de géant
chevelu qui devait posséder la force de deux ours, vous commandera en mon
absence qui ne devrait pas durer beaucoup plus d’une semaine mais, en
attendant, tenez-vous tranquilles et n’attirez pas l’attention sur vous. Je
vais vous laisser une partie de l’or de ce garçon, mais je rapporterai de quoi
vous vêtir convenablement.
– Pourquoi ?
grogna Orlando. On n’sera plus brigands ?
– On
sera ce qu’on a toujours été : des soldats. Quand je reviendrai, nous
irons à Urbino. On dit que le duc, Federico de Montefeltro, lève une condotta
pour une nouvelle guerre, et il y a trop longtemps que nos épées se rouillent !
D’accord ?
Tous
étaient d’accord, mais pas Fiora qui se pencha vers Rocco :
– Tu
es sûr d’être logique avec toi-même ? Montefeltro est l’un des condottieri
au service du pape, et cette armée pourrait se diriger sur Florence.
– Je
sais, mais disons que c’est... un pis-aller ! Nous allons voir ce qui va
se passer là-bas. Si les Médicis l’emportent, c’est à leur service qu’on se
mettra. Sinon... il faut bien vivre, que veux-tu ?
Il n’y
avait rien à
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