Fiora et le Pape
ajouter. Fiora acheva tranquillement son repas tandis que Rocco
procédait à une répartition équitable des pièces d’or. Grâce à la précaution qu’elle
avait prise d’en distribuer quelques-unes dans ses bottes et dans divers
endroits de ses vêtements, le fait d’avoir perdu sa bourse ne tourmentait pas
Fiora, mais elle réclama l’escarcelle qui l’avait contenue. Il n’y restait plus
que peu de choses : un mouchoir et le petit flacon donné par Anna. Rocco
le considéra un instant.
– Qu’est-ce
qu’il y a là-dedans ?
– La
possibilité d’échapper à une mort pénible au cas où je serais... pris.
Rocco
hocha la tête, remit l’objet dans l’aumônière et la tendit à Fiora qui
commençait à trépigner d’impatience. Que de temps perdu ! En outre, elle s’inquiétait
un peu de l’effet qu’elle produirait sur la route et dans Florence en compagnie
de cet homme déguenillé qui avait un peu trop l’air de ce qu’il était... Mais
quand Rocco, qui s’était éloigné un moment, revint, elle se rassura. Il avait
troqué son buffle plus que crasseux contre un pourpoint d’épais drap gris, pas
très propre sans doute mais plus présentable. Des bottes, un ceinturon de cuir
brun et un manteau de même couleur achevaient la transformation que la longue
épée et la dague vinrent heureusement compléter.
– Tu
as eu peur que je te fasse honte, hein ? fit-il en allongeant un coup de
coude dans les côtes de Fiora. Et maintenant, en route.
On
sortit de la grotte et il enfourcha le cheval. Fiora monta en croupe et, salués
par les vœux de la troupe, ils se dirigèrent vers le grand chemin au pas mesuré
que cette double charge rendait nécessaire pour ne pas épuiser l’animal.
La
nuit était noire, froide, et il fallait connaître les alentours pour s’y
retrouver, mais Rocco savait où il allait et, un moment après, Fiora se trouva
dotée d’une nouvelle monture achetée le plus régulièrement du monde chez un
fermier qui semblait bien connaître le brigand, et même entretenir avec lui des
relations plutôt cordiales.
– C’est
les voyageurs qu’on détrousse, expliqua Rocco, pas les voisins ! Sans quoi
la vie n’est plus possible. Celui-là n’a jamais eu à se plaindre de moi, au
contraire.
Le
compagnon de la jeune femme n’avait pas poussé la camaraderie jusqu’à lui
rendre son cheval. Il l’avait gardé pour lui, et Fiora n’eut pas à se louer du
changement, à beaucoup près. Sa nouvelle monture était une bête de labour plus
qu’un cheval de selle. En outre, elle faisait preuve d’une indépendance d’esprit
et d’une originalité certaines qui la poussaient à contourner le moindre
monticule de terre ou même à reculer si l’obstacle lui paraissait trop fatigant
à surmonter. Rocco, qui s’amusait sans vergogne de la fureur croissante de
Fiora, finit par prendre l’animal par la bride pour l’entraîner à sa suite.
Fiora se consolait en pensant qu’à Sienne, son compagnon et elle pourraient
prendre des chevaux frais. Mais il était écrit sur le grand livre du destin qu’elle
n’était pas encore au bout de ses peines.
Sur la
piazza del Campo, l’auberge della Fontana accueillit les voyageurs avec la
considération due à d’aussi nobles visiteurs, mais son propriétaire, maître
Guido Matteotti, leur offrit une image de désolation quand ils demandèrent des
chevaux frais.
– Où
voulez-vous que je les prenne, Messeigneurs ? Je n’en ai plus un seul !
Pas même un tout petit. Tout ce que je pourrais vous offrir, c’est un âne, et
encore il a une patte raide. Et puis ma fille l’aime beaucoup !
– Qu’est-ce
que tu veux qu’on fasse d’un âne ? tempêta Rocco. Tu vois bien qui nous
sommes ? Mon jeune maître qui appartient à la maison du noble comte Riario
est un messager envoyé par Sa Sainteté et, crois-moi, son message est urgent.
– Que
je tombe mort à tes pieds, Seigneur, si je ne dis pas la vérité. Il me restait
quatre chevaux, quatre chevaux superbes : des bêtes hautes, fortes,
solides comme un rempart, l’œil vif et la crinière plus longue que chevelure de
femme, mais on me les a prises hier soir ! On me les a prises toutes les
quatre...
– Et
qui s’est permis ça ? Est-ce qu’ils n’étaient pas réservés pour le service
du pape et des siens ?
– Bien
sûr, mais j’avais vu passer, déjà, une forte troupe et je n’imaginais pas qu’il
pût en venir d’autres. En
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