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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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de te faire taire pour toujours.
    – Ne
te gêne pas ! s’écria Fiora que la colère gagnait en proportion du temps
qu’elle perdait. Mais dis-toi que mon cadavre pourrait être encore plus
dangereux que ma personne. Tu ne sais pas lire, mais si tu es, comme je le
pense, un ancien soldat, tu devrais connaître ces armoiries ?
    – Hum !
... La vipère milanaise, oui... je connais ! mais cette rose qu’est-ce que
c’est ?
    – Tu
n’as pas dû sortir de ton trou depuis longtemps. Si tu veux en savoir
davantage, écartons-nous un peu. Tu n’as peut-être pas de secrets pour tes
hommes, mais moi, il y a des choses que je ne peux pas dire à n’importe qui.
    Vaguement
flatté, le chef se pencha, délia les jambes de Fiora puis, prenant le bout de
la corde qui attachait ses mains, l’entraîna vers le fond de la grotte. Là de
la paille amoncelée et quelques couvertures formaient une litière sur laquelle
il se laissa tomber.
    – Vas-y !
Cause ! ... Qui est ton maître ?
    – Ce
n’est pas un maître, c’est une maîtresse : la nièce du pape, donna
Catarina Sforza, comtesse Riario. Elle m’envoie à Florence en mission...
spéciale, d’où cette lettre. Si je ne réussis pas, je risque ma tête, mais quiconque
m’empêche de réussir la risque bien davantage encore. Donna Catarina n’est pas
commode, bien que fort jeune.
    Le
bandit ôta son bonnet pour se gratter la tête, visiblement aux prises avec un
problème ardu :
    – Déjà
entendu parler ! On dit qu’elle est aussi brave qu’elle est belle, et elle
a de qui tenir ! Moi qui te parle, j’ai servi sous son grand-père, le
grand Francesco Sforza, un rude homme de guerre celui-là ! J’étais encore
tout gamin, mais je peux dire que j’ai eu du bon temps avec lui. En voilà un
qui savait comment faire plaisir à ses soldats...
    Les
yeux du bandit brillèrent soudain d’un feu plus vif, tandis que sa voix se
chargeait d’une espèce de nostalgie :
    – On
a saccagé Piacenza ensemble, et jamais tu verras un sac pareil, garçon, ni pareille
frairie ! On a étripé tous les hommes, violé toutes les femmes de dix à
soixante ans, crevé toutes les futailles et, pour finir, flanqué le feu
partout. La ville flambait comme l’enfer qu’on culbutait encore les filles dans
les ruisseaux qui charriaient du vin, du sang et des boyaux. Il faisait une
chaleur à crever, mais on a bu tout ce qu’on a voulu. Et puis, après, on était
riches : de l’argent, des belles étoffes, des vivres, de l’or aussi, voilà
ce que Sforza donnait à ses hommes ! On a eu aussi des nonnes... et même
des moinillons pour ceux qui aiment ça. Ah ! ... faudrait aller loin pour
retrouver un chef comme lui ! Ceux de maintenant ne pensent qu’à s’habiller
de soie et à éviter les coups. Ils ont la peau tendre... Sforza, lui, avait du
cuir, du bon vieux cuir craquelé, usé par la cuirasse comme le mien et,
pourtant, la reine de Naples l’a voulu dans son lit et Milan lui a donné la
plus belle de ses princesses...
    Fiora
avait, sans impatience, écouté le bandit égrener ses souvenirs, sans s’émouvoir
non plus de ce qu’elle entendait : elle avait vu la guerre d’assez près
pour en connaître les horreurs.
    – Je
suis dévoué à donna Catarina comme tu l’étais à son grand-père et je peux t’assurer
qu’elle est digne de lui. Écoute ! Garde ma bourse, mais laisse-moi
repartir avec mon cheval ! Je te jure qu’une fois ma mission accomplie je
te le ramènerai et deux autres avec si tu le veux...
    – Pourquoi
pas une vingtaine ? Ceux qui seront sous les fesses des soldats qui t’accompagneront ?
Tu me prends pour un imbécile, gamin ? La parole des gens, j’y crois plus
guère et, aussi vrai que je m’appelle Rocco da Magione, il est pas encore né
celui qui me reprendra quelque chose... Surtout un dameret qui n’a même pas un
poil de barbe. Une vraie fille, ma parole, ajouta-t-il en passant un doigt sur
la joue de Fiora qui faillit le mordre, mais décida de jouer son va-tout !
     
    – Mais
je suis une fille, dit-elle doucement. Rocco retira son doigt comme s’il s’était
brûlé.
    – Qu’est-ce
que tu dis ?
    – C’est
facile à vérifier. Enlève mon bonnet !
    Le
brigand ôta le chaperon de feutre, révélant la résille qui retenait serrés les
cheveux de la jeune femme. Celle-ci secoua la tête et un flot de soie noire
coula sur ses épaules sous l’œil stupéfait de

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