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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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duquel rampaient des bêtes imprécises.
    – Vous
êtes toute pâle ! remarqua Léonarde tout de suite inquiète. Voulez-vous
que nous rentrions ?
    – Non,
non, cela va très bien ! Je ne veux pas repartir sans avoir fait mes
emplettes.
    L’impression
pénible disparaissait d’ailleurs dans la chaude lumière du soleil et dans la
gaieté générale. Les cloches déversaient sur la ville un carillon plein d’allégresse
et Fiora adorait le son des cloches : elle attribua vite ce qu’elle venait
d’éprouver à un surcroît de nervosité dû à sa grossesse, et ce fut assez
joyeusement que l’on reprit les mules pour parcourir la Grand-Rue qui
traversait la ville d’est en ouest sur toute sa longueur, de la porte Billault
ou porte d’Orléans à la porte de La Riche.
     
    Le
spectacle de la rue, même lorsqu’il ne s’agissait pas d’un jour de fête, était
toujours distrayant. Un peu partout, on abattait les plus vieilles bâtisses
pour en construire de nouvelles, et il n’était pas rare de voir une belle
maison à colombages et à pignon flambant neuve, avec son magasin ouvert au
rez-de-chaussée et son jardin sur l’arrière, voisinant avec un terrain encore
vague ou une masure qui n’avait pas encore reçu le coup de pioche des
démolisseurs. Le roi Louis, qui aimait cette ville beaucoup plus que sa
capitale, ne cessait de s’en occuper : il la voulait riche, puissante,
superbe et mieux construite que n’importe quelle autre. C’est lui encore qui
avait établi à Tours des fabriques d’étoffes de soie, de draps d’or et d’argent
dont la réputation commençait à s’étendre au-delà des frontières, et les divers
ports établis sur la Loire, au bas des hautes murailles qui encerclaient la
ville, jouissaient d’une incessante activité. Car la soie brute dont Florence
était naguère l’unique fournisseur, les navires français allaient à présent la
chercher jusqu’en Orient. Et les bourgeois de Tours, qui, dans les débuts, s’étaient
insurgés contre la présence d’ouvriers venus d’au-delà des Alpes, avaient fini
par comprendre qu’une fois de plus leur roi avait eu raison et que sa vision à
long terme lui avait toujours permis de devancer les événements et de produire
de la richesse.
    Pour
sa part, Fiora, oubliant que ce commerce concurrençait la cité de son enfance,
aimait à se rendre chez maître Guin de Bordes qui passait pour fournir les plus
beaux taffetas, surtout cette faille épaisse que l’on commençait à appeler le « gros »
de Tours. La boutique, avec ses boiseries sombres admirablement cirées et ses
armoires débordantes de merveilles, lui plaisait par son élégance, et Fiora y
retrouvait un ton de bonne compagnie et une courtoisie qui lui rappelaient ceux
des magasins d’autrefois.
    Elle
avait envie d’une robe neuve, comme il arrive en général quand on a vécu
plusieurs mois avec une taille déformée, et acheta quelques aunes d’un taffetas
d’un beau rouge corail, puis choisit du velours couleur de prune pour Léonarde
et un joli drap fin d’un bleu chaud qu’elle destinait à Péronnelle. Florent
chargea le tout sur sa propre mule, puis l’on se dirigea vers le Carroi-aux-Herbes,
proche du château, et qui commandait l’immense pont étendu sur la Loire et ses
îles jusqu’au faubourg de Saint-Symphorien. Il y avait là certaine auberge
célèbre pour ses pâtés de brochet et Fiora, comme cela lui arrivait fréquemment
depuis qu’elle était enceinte, mourait de faim. On s’installa donc sous une
treille attenante à l’auberge pour y réparer les forces de la future mère.
    L’endroit
était charmant, un peu en retrait de la rue qui, prolongeant le pont aux
vingt-cinq arches, était toujours très animée. A travers les pampres déjà
mûrissants de la vigne, on apercevait les poivrières bleues, les girouettes
dorées du château, et la flèche de la chapelle où Louis XI avait épousé
Charlotte de Savoie et où ses parents, Charles VII et Marie d’Anjou, s’étaient
mariés. Ces événements n’avaient pas suffi à attacher le roi à cette bastille
élégante, et il lui avait préféré le Plessis.
    Après
avoir dégusté leur pâté arrosé d’un excellent vin de Vouvray, les trois
compagnons s’accordèrent un moment de détente en grignotant des prunes
confites. La verdure où ils s’abritaient les protégeait du soleil qui chauffait
les toits des maisons et illuminait le Carroi, mais c’était une

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