Fiora et le roi de France
combat
dépendra le sort de la dame de Selongey... Restez à votre place !
D’un
geste impérieux, Louis XI arrêtait net l’élan de Philippe de Commynes,
visiblement prêt à offrir ses armes...
– Dans
une affaire aussi grave, reprit le roi, il ne faut pas de précipitation. Celui
qui se présentera devant nous, dans un mois jour pour jour, devra savoir que, s’il
est vaincu, la dame de Selongey sera exécutée, et que le combat sera à
outrance. Ainsi donc, messeigneurs, examinez et pesez bien votre décision...
– C’est
tout décidé, marmotta Mortimer entre ses dents. Aucune force humaine ne m’empêchera
de combattre pour elle, même si je dois donner ma démission !
Proche
cependant de l’Ecossais, le roi, comme s’il n’avait rien entendu, reprit :
– Que
l’on ramène la dame de Selongey dans sa prison ! Personne n’est autorisé à
lui parler.
Le
silence était encore plus profond qu’à l’entrée de Fiora lorsqu’elle se dirigea
vers la porte au milieu de ses gardes. Un silence où entrait sans doute
beaucoup d’étonnement devant une aussi étrange décision : un duel
judiciaire dans lequel un seul homme devrait affronter deux adversaires ? Même
peu habiles, c’était tout de même comprendre de curieuse façon l’égalité des
chances, sans parler du Seigneur qui, dans cette affaire, voyait son rôle
quelque peu diminué.
La
seule consolation de Fiora, avant de quitter la salle, fut d’entendre le roi
ordonner que Tornabuoni et Olivier le Daim fussent gardés nuit et jour en leurs
logis jusqu’au matin du combat. Consolation bien mince, car si ni Mortimer ni
Commynes n’étaient autorisés à se battre pour elle, il ne lui restait plus qu’un
mois à vivre...
CHAPITRE XII LE DERNIER JOUR
Le
roi, néanmoins, semblait accorder quelque pitié à sa captive. Le lendemain,
après que le geôlier Grégoire eut enlevé le plateau du premier repas – auquel
Fiora n’avait guère touché – il revint, tout joyeux :
– Je
vous annonce une visite ! s’écria-t-il. Une bonne visite...
Rouvrant
en grand la porte qu’il avait simplement rabattue derrière lui, il s’effaça
pour livrer passage à Léonarde, portant dans ses bras le petit Philippe. Le cri
de joie de la prisonnière fit monter à ses yeux de brave homme une larme d’attendrissement
et il resta un instant à contempler le joli tableau que formait Fiora serrant
son fils dans ses bras.
– Mon
tout petit ! Mon amour !... Mon petit trésor ! Elle couvrait de
baisers passionnés le petit visage, les menottes et les courts cheveux bruns
qui bouclaient autour de la tête ronde de Philippe, lui donnant l’air d’un
angelot... ce qu’il n’était pas tout à fait car, peu habitué à des effusions
aussi intenses, il se mit à protester. Fiora s’affola :
– Est-ce
que je lui ai fait mal ?
– Non,
dit Léonarde en riant, mais vous êtes en train de l’étouffer... Là, posez-le
par terre à présent ! ... Et vous, messire Philippe, saluez donc votre
mère comme je vous ai appris à le faire !
L’enfant
prit un solide appui sur ses petites jambes et esquissa une sorte de révérence
assez maladroite qui enchanta Fiora.
– Le
bonjour, Madame ma mère, fit-il avec gravité. Allez-vous bien ?
Mais,
comme Fiora s’était accroupie pour être à sa hauteur, le petit garçon se jeta
dans ses bras en criant :
– Maman,
maman ! ... Je m’ennuyais tellement de vous !
– Il
me connaît bien peu, pourtant ! dit Fiora pardessus la tête de son fils.
– Il
vous connaît bien mieux que vous ne pensez. On lui a parlé de vous tous les
jours et, dans ses prières, il ne manque jamais de demander à Dieu de lui
rendre sa maman...
– Mon
papa aussi ! rectifia l’enfant. Quand pensez-vous qu’il viendra, maman ?
– Je
n’en sais rien, mon chéri. Ton papa est parti pour un long voyage, mais tu as
raison de prier le bon Dieu pour qu’il en revienne...
– Ne
nous attendrissons pas ! fit Léonarde. Et d’abord, laissez un peu ce jeune
homme pour m’embrasser. Vous n’y avez pas encore songé !
Les
deux femmes s’embrassèrent chaleureusement, d’autant plus que la vieille
demoiselle apportait une autre bonne nouvelle : le petit Philippe et elle
étaient autorisés à venir chaque jour visiter Fiora dans sa prison, et même à
prendre en sa compagnie le repas du milieu du jour.
– Le
roi veut adoucir mes derniers moments ? soupira Fiora.
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