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Fiora et le Téméraire

Fiora et le Téméraire

Titel: Fiora et le Téméraire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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dissoudre ce qui avait été le plus fastueux des princes d’Europe...
    – Vous
n’avez pas pu le tuer, vous non plus ? fit une voix froide et, levant les
yeux, Démétrios vit Léonarde qui le regardait les bras croisés, serrant autour
d’elle une grande pièce d’étoffe grise...
    – Non,
fit-il avec une humilité nouvelle – non, je n’ai pas pu. Je suis médecin avant
tout...
    – Et
vous vouliez qu’elle le tue, elle, cette innocente dont, mieux que personne,
vous saviez ce qu’elle avait souffert ? C’est facile, n’est-ce pas, de
dire : « Tue ! ... Poignarde ! Empoisonne ! »
lorsque l’on est soi-même à l’abri et en sécurité ? Elle risquait la
torture, l’échafaud, mais cela vous était égal. Et vous avez osé exercer sur
elle le plus odieux des chantages...
    – Ne
m’accablez pas, dame Léonarde ! La pensée qu’elle ait pu devenir son amie
me bouleversait. Elle avait juré de m’aider à le détruire... !
    – Et
vous fondiez vos espoirs sur une enfant, vous avez osé aller jusqu’à faire de l’homme
qu’elle aime l’objet d’un marché ignoble ? Et vous vous imaginiez que je
vous laisserais faire ? Je ne vous aimais pas, Démétrios ; à présent
je vous hais...
    – Je
ne peux pas vous en vouloir. Esteban, lui aussi, s’est tourné contre moi ;
il a aidé Philippe de Selongey à s’échapper et il a obtenu pour lui la protection
de Guillaume de Diesbach et du duc René. A présent tout est fini. Demandez
pardon pour moi à Fiora et dites-lui qu’en dépit de ce qu’elle a pu penser je l’aimais
bien.
    – Où
allez-vous ?
    – Je
ne sais pas. Vers qui pourrait avoir encore besoin de moi. Peut-être le roi
Louis...
    – C’est
de peu d’importance. Ce qui compte, c’est que ce soit très loin. Elle vous
pardonnerait peut-être. Moi, je ne peux pas...
    – Bien
sûr...
    Comme
si c’eût été un effort immense, il se hissa sur son cheval. En un instant, ses
épaules s’étaient voûtées et il eut dix ans de plus. Une fois en selle, il se
retourna vers la femme qui le regardait dressée au bord de l’étang gelé,
semblable à quelque impitoyable statue de la justice...
    – Adieu,
dame Léonarde !
    – Adieu
ser Démétrios ! Je ne peux rien vous souhaiter de mieux que la paix du cœur
mais il faut pour cela changer de route...
     
    Le
soir même, à la lumière des torches, le duc René, au pas paisible de la Dame,
sa jument blanche, faisait son entrée dans Nancy pour aller rendre grâce à la
collégiale Saint-Georges. La ville était plus qu’à moitié ruinée et le palais
ducal sans toit : on l’avait brûlé. Devant le couvent des Dames pécheresses,
on avait fait une pyramide avec les ossements des chevaux, des chiens et des
chats que l’on avait mangés durant le siège mais, grâce aux provisions du camp
bourguignon, la faim s’éloignait. Elle ne serait bientôt plus qu’un mauvais
souvenir...
    Les
prisonniers étaient nombreux : le Grand Bâtard et son autre demi-frère
Baudoin, le comte de Chimay, Olivier de La Marche, Jean de Chalon-Orbe, le
seigneur de Blamont, le margrave de Roeteln et son beau-frère Philippe de
Fontenoy, Philippe de Selongey et la fleur de la cavalerie bourguignonne. Ils
seraient mis à rançon mais, par la grâce du duc René, Fiora, le soir même,
retrouvait à la fois son époux et la chambre qu’elle avait occupée un an plus
tôt dans la maison de Georges et Nicole Marqueiz...
    Le duc
René, cependant, n’était pas satisfait : on n’avait pas retrouvé le duc de
Bourgogne et la seule idée qu’il pouvait être encore en vie mettait en péril sa
victoire. Si le Téméraire avait pu fuir en Luxembourg ou ailleurs la couronne
de Lorraine ne serait jamais solide sur sa tête.
    Or, le
lendemain, tandis que le peuple de Nancy tout entier pillait le camp bourguignon,
un enfant vint aux genoux de René : c’était Battista Colonna :
    – Je
crois savoir où est le duc, monseigneur, car je l’ai vu tomber... Je peux
guider les recherches.
    On le
suivit jusqu’à l’étang Saint-Jean où, parmi des dizaines de cadavres entièrement
dépouillés, gisait un corps nu à moitié pris par les glaces et à peine
reconnaissable. Le crâne était fendu jusqu’à la mâchoire, le corps troué de
cent blessures et à demi écrasé par les chevaux, une joue dévorée par un loup
ou par un chien. Auprès de lui gisait Jean de Rubempré qui avait été gouverneur
de Lorraine. Les deux corps

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