Fiora et le Téméraire
coulaient de ses yeux et
fit quelques pas. L’attaque, alors, fut soudaine : trois cavaliers
apparurent ; l’un d’eux s’empara d’elle et la jeta en travers de sa selle
sans se soucier de ses cris puis il tourna bride et s’enfuit aussi vite que le
permettait la neige déjà épaisse.
– J’ai
assez attendu, cria-t-il. A présent tu es à moi et pour toujours !
Mais
elle n’avait pas eu besoin de l’entendre. Elle avait déjà reconnu Campobasso
et, sans cesser de crier, se mit à se débattre pour essayer de glisser à terre,
ce qui ralentit la course de son ravisseur.
– Assommez-la,
mon père ! conseilla l’un des cavaliers. Une bosse n’a jamais tué une
femme et nous devons faire vite.
– Tuez-moi
donc ! hurla Fiora. Cela m’évitera de le faire moi-même car jamais plus je
ne t’appartiendrai. Tu me fais horreur...
Elle
se meurtrissait à l’acier de l’armure mais n’en continuait pas moins sa défense
désespérée. Le condottiere allait peut-être suivre le conseil d’Angelo quand
trois autres cavaliers surgirent de l’impalpable rideau blanc et barrèrent le
chemin.
– A
nous deux, Campobasso ! Je sais déjà que tu es un traître. Je vais voir à
présent si tu es vraiment un lâche ! déclara Philippe de Selongey. C’est
ma femme que tu enlèves et tu vas le payer de ta vie...
– Viens
la prendre si tu la veux ! fit le ravisseur en s’efforçant de redresser
Fiora contre lui pour s’en faire un rempart. Mais la voix de Philippe avait
galvanisé la jeune femme. Toutes griffes dehors, elle s’attaqua furieusement au
visage que la visière relevée du casque découvrait. Campobasso poussa un
hurlement et desserra son étreinte. Elle en profita pour lui échapper et glissa
dans la neige...
– Belle
défense ! apprécia la voix traînante de Douglas Mortimer, mais
écartez-vous car nous n’en avons pas fini avec ces gens.
Le
troisième cavalier, qui était Esteban, avait d’ailleurs sauté à terre pour
relever la jeune femme et l’installer contre un moignon d’arbre.
– Ça
va ? fit-il.
– Oui...
mais d’où sortez-vous ?
– On
vous le dira plus tard. Pour l’instant on a besoin de moi...
Il
remonta à cheval et rejoignit les deux autres. Le combat était déjà engagé
entre Selongey et son ennemi et les armures résonnaient sous le choc de la
hache que maniait Philippe et du fléau d’armes qu’avait empoigné son adversaire.
Mortimer luttait contre Angelo et le troisième cavalier qui était Giovanni, l’autre
fils. Esteban courut vers celui-ci.
Accrochée
à son arbre, l’estomac noué d’angoisse mais ne sentant ni le froid ni l’humidité
qui envahissaient ses vêtements Fiora suivait le furieux combat qui se livrait
sous ses yeux. Elle s’efforçait de garder confiance : le miracle qui
venait de se produire ne pouvait pas être vain. Il fallait que la victoire
restât à la juste cause. Soudain, dominant les injures qu’échangeaient les combattants,
il y eut un cri d’agonie sitôt suivi d’un hurlement de douleur :
– Giovanni !
hurla Campobasso.
Déjà
le corps sans vie roulait dans la neige qui devint rouge. Esteban, armé plus
légèrement que ses compagnons, avait sauté en croupe de son adversaire et,
soulevant son casque, lui avait tranché la gorge. En même temps, l’instant où l’attention
du condottiere avait été détournée suffit à Philippe pour asséner un coup de
hache qui enfonça le casque et blessa le Napolitain à la tête, mais il resta en
selle. Ce que voyant, Angelo se déroba devant la masse d’arme de Mortimer,
saisit la bride du cheval de son père et l’entraîna :
– Au
large, mon père ! Nous ne gagnerons pas !
Les
deux cavaliers disparurent en direction du nord...
Philippe
avait déjà arraché son heaume et courait vers sa femme qu’il prit dans ses
bras.
– Mon
amour ! Tu n’as rien ? ... Il ne t’a pas blessée ?
– Non...
Oh, Philippe, est-ce bien toi ? J’ai tant désespéré de te revoir jamais...
Je croyais...
Mais
il lui fermait la bouche d’un baiser passionné, la serrant contre sa poitrine
vêtue de fer avec une force qui lui arracha un gémissement.
– Vous
allez l’écraser, remarqua tranquillement Mortimer, et à mon avis ce serait
dommage. Laissez-la vivre un peu.
Philippe
lâcha Fiora et se mit à rire :
– Tu
as raison, compagnon, mais un trop grand bonheur peut rendre fou. Je vous la
confie : prenez-en bien
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