Fleurs de Paris
passait
prés de lui.
Monsieur, dit-il, je suis étranger à la
brillante société que je vois ici ; je suis venu avec une
lettre d’invitation qui a été adressée au directeur de
l’Informateur
, et qu’il m’a remise…
– Ah ! bon… Vous venez pour une
interview, alors ?
– Un écho, simplement. Voudriez-vous
avoir la complaisance de m’indiquer Mme la baronne
d’Anguerrand ?…
– Comment ! Vous ne connaissez pas
la belle Sapho ? Mais tout le monde la… connaît ! D’où
tombez-vous, mon cher monsieur ?… de la lune ?…
– De bien plus loin : de
Tarbes ! fit froidement Ségalens.
– Très bien ! fit le jeune homme en
riant. Monsieur, ajouta-t-il, je m’appelle Max Pontaives. Qui
aurai-je l’honneur de présenter à la baronne
d’Anguerrand ?
– Anatole Ségalens ! répondit le
Tarbais en se redressant.
Venez donc, cher monsieur…
Les deux jeunes gens s’avancèrent vers la
baronne Adeline.
– Madame, dit Max Pontaives, voulez-vous
me permettre de vous présenter M. Anatole Ségalens l’un des
plus fins reporters de l’
Informateur
?
– Madame la baronne, mon directeur m’a
envoyé prendre quelques notes sur la belle fête dont vous
éblouissez Paris. Et cela, madame, me sera une tâche aisée, malgré
tant de magnificence… mais pourrais-je traduire l’impression de
charme et de respect que me produit la maîtresse de cet hôtel.
– Mon cher Max, dit Adeline de sa voix où
frissonnaient des caresses, présenté par vous, monsieur est de mes
amis. Aussi vais-je tout de suite abuser de lui en le priant de
m’offrir son bras pour me conduire à mon fauteuil…
Pontaives salua et fit deux pas en arrière,
laissant le champ libre à Ségalens, qui le remercia d’un
balbutiement du regard, et en même temps, présenta son bras à la
baronne d’Anguerrand.
De la place où ils se trouvaient jusqu’au
fauteuil de la baronne, il y avait peut-être dix pas. C’est dans
l’espace de ces dix pas qu’eut lieu cet entretien presque terrible
par la soudaineté, l’explosion des passions qui s’y
manifestaient :
– Que pensez-vous de moi ? demanda
Sapho, la voix un peu rêche, comme si elle eût eu la gorge en
feu.
– Je pense, dit Ségalens, affolé – ne
sachant plus ce qu’il proférait, incapable d’arrêter des paroles
qu’il eût voulu rattraper à peine sorties – je pense que si vous
continuez à me regarder ainsi, vous allez me rendre fou. Je pense
que ma folie, madame, dût-elle me perdre à vos yeux, est une
sensation à mourir de souffrance et de plaisir…
J’ai à Paris une vaste influence. Vous n’êtes
qu’un pauvre journaliste. Je ferai de vous quelqu’un, si vous avez
foi en moi… si vous vous donnez tout entier, sans restriction, avec
la fidélité d’un chien et la force d’un lion.
Voulez-vous ?…
– Je vous adore, balbutia Ségalens.
Prenez ma vie et faites-en ce que vous voudrez !
– Demain, à trois heures, présentez-vous
ici, acheva Sapho dans un murmure imperceptible.
Et en même temps elle prenait place dans son
fauteuil, tandis que Ségalens se rendit au fumoir.
Comme Ségalens, tout rêveur et encore pâle de
la stupéfiante aventure qui lui arrivait, plongeait une main
distraite dans une boîte de cigarettes, une voix railleuse murmura
à son oreille :
– Eh bien, que dites-vous de la petite
fête ?
Ségalens se retourna et reconnut la
physionomie fine, sceptique et souriante de Max Pontaives.
– D’abord, merci, fit-il, pour m’avoir
repêché dans ce flot où je me serais noyé sans vous.
– Vous me plaisez, voilà tout, dit Max
Pontaives et puis, cela m’amuse. Et la belle Adeline, qu’en
dites-vous ?…
– La baronne ! murmura Ségalens en
frissonnant.
Elle est bien belle !…
– Oui. C’est une honnête dame selon
Brantôme, qui manque vraiment à notre époque.
Ségalens pâlit, mais, gardant son
sang-froid :
– Je soupçonne Brantôme, dit-il, d’avoir
été un fat.
– C’est qu’apparemment vous l’avez mal
lu, dit quelqu’un derrière lui d’une voix sèche.
– Attention ! souffla Pontaives à
Ségalens. Voici la mauvaise affaire qui vient !… Celui qui
vous parle vous a vu donner le bras à la baronne, et…
dame !…
Se retournant en même temps, le jeune homme
dit en souriant :
– Bon ! voilà Robert qui prend feu
pour son auteur favori…
Et il se hâta d’ajouter :
– Mon cher ami, monsieur Anatole
Ségalens, une
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