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Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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les mains, il songeait… Ses yeux erraient sur les
objets familiers qui encombraient cette table : ses livres
aimés, des feuillets sur l’un desquels s’étalaient les deux
premiers vers d’un sonnet.
    À
MARIE CHARMANT
    À minuit, quand tout dort, mon amour sur la terre
    Et les astres du ciel veillent seuls en
tremblant ;
    Si j’ose alors…
    – Marie Charmant ! murmura-t-il.
    Doucement, il ferma les paupières, comme pour
mieux évoquer l’image de la jolie bouquetière ; et alors, il
frissonna… car ce fut l’image de l’autre, de la baronne, de Sapho,
qui se présenta à son esprit !…
    – Cette femme, dit-il à haute voix, cette
courtisane somptueuse qui m’a affolé une minute… je dois l’aller
voir demain… Qui est-elle ?… Pourquoi son regard m’a-t-il
ainsi enfiévré ?… Oh ! que m’importe, après tout !
Quelle fasse, qu’elle dise ce qu’elle voudra !… Je n’irai
pas !… Jamais, jamais plus, de ma propre volonté, je ne
reverrai cette femme !…
    Un apaisement soudain, une fraîcheur exquise
descendirent dans son âme. Ses yeux se mouillèrent de larmes. À
travers cette buée tiède, comme il regardait autour de lui, il vit
son habit qu’il avait soigneusement placé sur le dossier d’une
chaise – et, à la boutonnière de cet habit, le gardénia un peu
flétri… l’aumône de Marie Charmant.
    Il le détacha et le porta à ses lèvres,
longuement.
    – Pauvre fleur à demi-fanée,
murmura-t-il, vous savez que je l’aime… Vous le savez que cette
folie, qui, ce soir s’est abattue sur moi n’a bouleversé que la
surface de mon cœur, sans déraciner la fleur d’amour que j’y
cultive… Ô Marie ! ô chère inconnue, ô vous qui, peut-être, ne
m’aimerez jamais et que j’adore, recevez mon serment de fidélité…
J’ai dit à l’autre « Prenez ma vie !… » Je mentais,
car ma vie est à vous, Marie, et pour la reprendre, il me faudrait
piétiner moi-même mon cœur.
    Ayant ainsi exprimé son amour avec la naïveté
alambiquée des amoureux qui ne sont pas satisfaits tant qu’ils
n’ont pas épilogué, Ségalens déposa un dernier et fervent baiser
sur le gardénia, le plaça précieusement entre les feuillets d’un
volume, essuya ses yeux, brossa avec une sorte de vénération sa
toilette de soirée, et s’endormit en murmurant le nom de Marie
Charmant.

Chapitre 17 LES DAMNÉS
    Dans l’hôtel d’Anguerrand, après la fête,
Gérard et Adeline s’étaient retirés en l’appartement de
madame ; et, dans le boudoir attenant à la chambre à coucher,
ils se retrouvaient seuls, pour la première fois depuis la nuit où
le baron s’était dressé devant eux, pareil à un spectre.
    Avec passion, avec frénésie, avec la sauvage
ardeur d’un tempérament de feu, Adeline aime Gérard. Et ce qu’elle
aime peut-être en lui, c’est le crime… c’est Charlot… c’est
Lilliers, le faussaire, le voleur, l’assassin…
    Ce soir donc enfiévrée par cette scène inouïe
où elle s’est offerte à un jeune homme qu’elle voyait pour la
première fois, les sens parvenus à l’hyperesthésie de l’amour,
l’imagination ravagée par un ouragan de passion, elle a entraîné
Gérard.
    Elle le veut ! Ce soir, ce sera leur nuit
de noces !…
    Gérard s’est jeté sur une chaise de repos.
    Elle va, elle vient, soupire, palpite… enfin,
elle marche à lui, le saisit par les mains, se penche, et d’une
voix rauque :
    – C’est à Lise que tu penses ?…
    Gérard frissonne et devient livide. Il lève
vers elle une tête ravagée par une douleur sincère, et quelle que
soit l’horreur que pourrait inspirer ce malfaiteur, peut-être en ce
moment n’est-il digne que de pitié…
    – À qui songerais-je donc ? dit-il
avec l’accent des désespoirs sans remède.
    La femme recule, souffletée par cet aveu, le
cœur broyé de jalousie ; elle cherche une vengeance, et, avec
un sourire effroyable :
    – Il ne fallait pas la tuer,
alors !… Mais puisqu’elle est morte…
    Gérard s’abat sur les coussins de la chaise
longue et la tête dans les deux mains, sanglotant, il laisse
déborder en laves de douleur le désespoir de son amour.
    Sapho, le sein palpitant, la bouche tordue par
le rictus de la haine, les yeux flamboyants, se penche sur ce
désespoir, et halète :
    – Elle est morte ! Et c’est toi qui
l’as assassinée, mon Gérard, car c’est toi qui as payé
l’assassin !… Moi, je ne voulais pas,

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