Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Fleurs de Paris

Fleurs de Paris

Titel: Fleurs de Paris Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
inquiets
semblaient dire :
    – Aime-moi bien, mon oncle. Je ne suis
qu’un pauvre petit orphelin, si faible, si seul !…
    La vie de Chemineau s’éclaira d’un coup de
soleil ; il eut pour le petiot des tendresses de mère, des
gâteries d’aïeul, et entreprit à lui seul son éducation.
    De cet heureux temps, Ségalens se rappelait
des escapades toujours pardonnées, des batailles féroces où il
triomphait toujours, si bien que les gamins l’appelaient la Petite
Terreur Tarbaise, ce dont Chemineau se montrait fier :
    – Bats-toi le moins souvent possible,
disait-il à son neveu ; mais si tu te bats, il faut absolument
que tu aies le dessus, sans quoi je te déshérite… C.Q.F.D…
    C. Q. F. D. était dans la bouche de Chemineau
une locution passée à l’état de juron invétéré.
    Puis étaient venues les études sérieuses.
Ségalens avait voulu pousser jusqu’au grade de licencié, par
passion des belles-lettres antiques que lui avait inculquée
Chemineau. En même temps, il devenait un hardi compagnon, bien
qu’un peu précieux d’allures et toujours trop tiré a quatre
épingles, courant les aventures, grand amateur de jolies filles,
grand pilier de cabarets, adroit cavalier, redoutable escrimeur –
et, parmi tant de défauts apparents, candide au fond, naïf,
sincère, passionnément épris de tout ce qu’il entreprenait.
    Un beau jour, il y eut un déclic soudain dans
cette existence à bâtons rompus ; tout à coup, Ségalens se
lassa d’encourir la réprobation des autorités constituées, la haine
des cabaretiers qu’il faisait enrager, et la malédiction des
matrones qui tremblaient pour leur couvée devant ce jeune épervier.
Paris le fascina : il rêva la fortune, la gloire, et l’amour.
Et il partit, ouvrant ses ailes aux espérances qui nous viennent
par larges souffles, de très loin, on ne sait d’où…
    Il y avait trois mois déjà que Ségalens
habitait, rue Letort, ce qu’il appelait son taudis, lorsqu’un
après-midi il se rendit chez un écrivain très connu, chargé de la
critique dramatique dans un grand journal du soir.
    Ségalens avait pour ce journaliste une lettre
de recommandation pressante qu’il avait obtenue d’un compatriote.
Le célèbre critique partait le soir même pour une assez longue
absence, et Ségalens le savait. Il savait en outre qu’avec la
recommandation qu’il portait comme son unique trésor, il était à
peu prés sûr d’entrer d’emblée à ce grand journal. Or, comme il
arpentait le boulevard Rochechouart, une voix, soudain, le tira de
sa méditation :
    – Fleurissez-vous, monsieur…
Étrennez-moi, pour vous porter bonheur…
    Séga1ens allait passer outre ; il leva
les yeux sur la bouquetière et demeura ébloui. La physionomie de
radieuse jeunesse qu’il vit, ce regard limpide, ce sourire d’un
charme inexprimable, le troublèrent d’une étrange et profonde
émotion : c’était la naissance rapide, l’envolée irrésistible
de tous les véritables amours.
    Quoi qu’il en soit, Ségalens avait dix sous
dans sa poche (on était à la fin du mois) : il les donna pour
avoir un œillet que, rentré chez lui, il mit entre les feuillets
d’un volume des poésies de Ronsard.
    La bouquetière s’éloigna en remerciant d’un
gentil sourire.
    Et Ségalens suivit ce sourire !… Il l’eût
suivi au bout du monde.
    Son rendez-vous, la lettre de recommandation,
son entrée certaine dans l’un des premiers journaux de Paris, tout
cela tomba dans le néant des oublis insondables ; il n’y eut
plus qu’une chose au monde : cette silhouette de grâce,
d’harmonie et de charme qui se balançait devant lui, qui le
fascinait, l’attirait invinciblement.
    Il ne se réveilla qu’à la porte de son
logis : la bouquetière demeurait dans la même maison que
lui…

Chapitre 16 PROVOCATION D’AMOUR ET PROVOCATION DE HAINE
    Lorsque Ségalens eut monté les marches du
perron de l’hôtel d’Anguerrand, lorsqu’il pénétra dans le grand
salon du baron Gérard, lorsqu’il vit cette cohue élégante, ces
épaules nues où scintillaient les regards pervers des diamants,
lorsqu’il eut embrassé d’un coup d’œil les lignes sévères des
hautes tapisseries, les massifs de plantes rares, les bouquets
d’électricité, la foule des visages armés des mêmes sourires, il
demeura un instant frappé d’admiration.
    Et, déguisant soigneusement ses émotions et
ses admirations, Ségalens avisa un jeune homme en frac qui

Weitere Kostenlose Bücher