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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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tard pour leurs fils et filles. La religion, pensait
la frérèche, se doit transmettre d’abord comme la langue, qu’à juste titre on
appelle maternelle, de la mère à l’enfantelet, et dès l’âge le plus tendre.
Ainsi la Gavachette et la petite Hélix, grâce à notre zèle ugonau, en
savaient plus, à leur âge, que bien des demoiselles de bonne noblesse
catholique, qui savaient à peine signer leur nom. Il est vrai qu’Alazaïs, ayant
une orthographe à elle, la transmettait par malheur à ses élèves, mais mon père
ne faisait aucun cas de cette imperfection, répondant en riant à Sauveterre,
qui lui en avait fait la remarque, que Catherine de Médicis n’écrivait pas
mieux que la petite Hélix, et qu’elle était pourtant reine de France.
    Trois
jours avant la fin de la quarantaine, je reçus un second billet de la petite
Hélix, quant au style de même farine que le premier, et tout aussi tendre dans
le fond, ma correspondante ayant toujours « un grand pensement » de
moi. Mais, ce qui me fâcha fort, j’appris que les langues allaient bon train
dans la cuisine entre la Maligou et Barberine au sujet de Franchou. Je balançai
si je devais aviser mon père de ces clabauderies de souillarde, mais je ne
l’aurais pu faire sans paraître me mêler de ses affaires, ni sans trahir Hélix.
Et je me tus, sans rien dire même à Samson de ce second billet, que je jetai
aussitôt au feu.
    J’attendais
merveilles de la fin de ma quarantaine, et j’aspirais de tout mon cœur au
premier matin où je pourrais sortir enfin de cette chambre où Samson et moi,
pendant trois interminables semaines, avions été serrés. Et pourtant, quand ce
matin se leva pour moi, il ne m’apporta que chagrins et déchirements.
    Il
avait été convenu par lettre avec mon père que nous ne serions libres que
lorsqu’il viendrait lui-même nous délivrer, et en attendant que la clef de
notre lourde porte tournât dans sa serrure, Samson et moi avions décidé de nous
livrer un dernier assaut, ce que nous fîmes jusqu’à étouffer de chaud sous nos
plastrons. Ceux-ci enfin délacés et ôtés, et les épées dans les fourreaux,
chacun de se jeter alors sur son lit, nu comme à sa naissance.
    C’est
alors que le grincement tant attendu de la serrure se fit entendre. Je me
dressai sur mon séant, et je vis entrer mon père, l’œil allègre et le sourire
aux lèvres. Je me levai, Samson aussi, et tous deux traversant la pièce, chacun
venant de son coin, courions joyeux vers lui, sachant bien avec quel
emportement il allait nous serrer tour à tour dans ses bras, quand soudain mon
père me regarda, pâlit, et passant sans transition de la joie la plus vive à
une colère glacée, s’écria d’une voix tonnante :
    — Monsieur
mon fils, êtes-vous devenu idolâtre ?
    — Moi,
idolâtre ? dis-je, vacillant sous le choc de cette incroyable accusation,
et arrêté tout à plat dans mon élan vers lui, tandis que Samson, lui aussi, se
figeait, son œil bleu agrandi fixé sur mon père et sur moi.
    — N’est-ce
pas une médaille de Marie que vous portez autour du col ? dit mon père,
l’œil étincelant, en pointant vers elle un index tremblant.
    — Vous
la reconnaissez, dis-je d’une voix détimbrée. C’est la médaille de ma mère.
    — Peu
importe ! cria mon père avec la dernière violence en faisant un pas vers
moi comme s’il allait me l’arracher. Peu importe d’où elle vient ! Et de
qui vous la tenez ! Le damnable, c’est qu’elle soit là !
    — Monsieur
mon père, dis-je, me reprenant et parlant plus ferme, car j’étais fort blessé
de ce « peu importe », ma mère me la donna le jour de sa mort en me
faisant promettre de la porter toujours.
    — Et
vous avez promis !
    — Elle
se mourait. Que pouvais-je faire d’autre ?
    — Me
le dire ! cria mon père, les yeux exorbités. Me le dire sur l’heure !
Et je vous aurais délié, moi votre père, de cette monstrueuse promesse !
Au lieu de cela, vous avez préféré vous cacher de moi comme un larron, et
porter cette idole en catimini, en trahison de votre foi !
    — Je
n’ai rien trahi, et je n’ai rien volé ! dis-je, la colère me gagnant à mon
tour et, redressé comme un coq, je considérai mon père d’un air outragé.
    — Si
fait ! Vous avez volé ma tendresse, que ce jour vous ne méritez plus,
m’ayant dissimulé, pendant tous ces mois passés, votre puante idolâtrie !
    — Mais
je ne suis pas idolâtre !

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