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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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préférerais être chassé, fût-ce injustement.
    — Eh
bien, vous le serez, monsieur ! dit mon père d’une voix blanche.
    Et
il ajouta en hurlant :
    — Avec
le serment que je tiendrai aussi de ne plus jamais vous revoir !
    Il
y eut un long silence. Le monde disparut à mes yeux, il me sembla que je ne
vivais plus. J’étais devant mon père, raidi comme bloc de pierre, privé de
parole et presque de sentiment, et cependant bouillant encore d’une colère
extrême.
    C’est
alors que Samson pour la deuxième fois intervint. Bien que je le visse dans une
sorte de brume, il me sembla que les larmes ruisselaient sur ses joues, ce qui
m’étonna, car mon père et moi, animés l’un et l’autre d’une colère semblable,
avions à cet instant l’œil sec et furieux, quels que fussent les sentiments
dont nous étions au-dedans de nous agités. Samson, lui, pleurait. Et en même
temps, sans quitter son air d’extrême douceur, et sans vraiment prendre parti,
il vola à mon secours. S’approchant de moi jusqu’à me toucher, il plaça son
bras gauche sur mon épaule, et tournant vers moi son visage, qui me fit
l’effet, dans mes ténèbres, d’apporter une resplendissante lumière, il dit de
sa voix zézayante :
    — Mon
Pierre, je ne te délaisserai pas. Si tu pars, je viendrai avec toi.
    La
foudre du Sinaï tombant aux pieds de mon père n’aurait pas produit plus
d’effet. Il regarda Samson comme s’il aspirait à tourner contre lui la fureur
qui lui tordait le cœur, mais Samson pleurait, non pas sur lui-même, mais sur
moi, sur mon père, sentant tout le ravage que cette grande querelle faisait en
nous. Et mon père, qui avait réussi à me haïr parce que je l’avais bravé, ne
parvint pas, quoi qu’il en eût, à se durcir contre Samson, ni même à le
regarder avec colère, ni à articuler contre lui un seul mot. Il prit le parti,
sentant son impuissance, et d’ailleurs tremblant de rage, et à demi-fou de
douleur comme je l’étais moi-même, de pivoter sans un mot sur ses talons, et
s’en allant à grands pas furieux, aveugle au point de se heurter au chambranle
de la porte, il laissa celle-ci grande ouverte derrière lui.
    Je
tombai alors dans les bras de Samson et, joue contre joue, me dénouant soudain,
je pleurai à chaudes et amères larmes, secoué de grands sanglots contre
lesquels, semblait-il, je ne pouvais rien, bien que j’eusse grande vergogne,
marchant sur mes treize ans, et à deux ans de ma majorité, à me livrer aux
pleurs comme un enfantelet.
    Au
bout d’un moment, Samson s’écarta de moi et me dit avec une ferme douceur de
m’habiller. Mon devoir, dit-il, avant de quitter Mespech à jamais, était
d’aller demander pardon à mon père de ce que ma fidélité à mon serment m’avait
contraint de lui faire cette braverie. Ce conseil me parut bon, car je n’étais
pas sans repentir de m’être à ce point redressé devant mon père et contre lui,
même si, sur le fond de la chose, je me donnais raison.
    Je
me vêtis, je ceignis même ma courte épée pour indiquer que j’allais, en effet,
sortir des murs, et d’un pas assez ferme, bien que le cœur me battît contre les
côtes, et la tête comme gonflée et confuse du choc que j’avais essuyé, je
gagnai la librairie. Cependant, comme je m’approchais de sa porte, je m’arrêtai
soudain, des éclats de voix violents me surprenant, où mon nom revenait. Et
tandis que je balançais pour savoir si j’allais ou non frapper, n’osant ni
entrer au beau milieu de cette autre querelle ni m’en aller au risque de
n’avoir point le courage de revenir, j’écoutai, étonné, muet, le souffle coupé,
les paroles qui volaient à grand heurt et fracas entre mon père et Sauveterre.
    — Il
y a, criait Sauveterre, et sur un certain ton violent et accusateur que je ne
lui connaissais pas, il y a des péchés plus graves que de porter autour du cou
une médaille de Marie !
    — Que
voulez-vous dire ? répliqua mon père d’une voix furieuse.
    — Ce
que je dis ! dit Sauveterre sans baisser le ton. Et vous m’entendez à
merveille ! Vous marchez de folie en folie, mon frère, je vous le dis
comme je le pense. Et la première de toutes fut de hasarder la vie de vos
cadets et de vos cousins Siorac dans cette insensée expédition en lieux
infects !
    — Où
il fallait bien, pourtant, dit mon père, porter cette moitié de bœuf.
    — Et
enlever Franchou ! Croyez-vous que ce soit par hasard si M. de la

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