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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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étaient d’une beauté confondante. Ils étaient nus, à l’exception de petites bourses en cuir de veau destinées à masquer leurs parties intimes. Quant aux femmes, elles étaient drapées dans des voiles diaphanes qui ne cachaient pas grand-chose.
    Ils dansèrent… comment le décrire ? Par les seuls mouvements de leur corps ils parvinrent à évoquer le plaisir que ressentent hommes et femmes à jouer au jeu de la séduction, à anticiper le doux moment de l’abandon mutuel, et à succomber à l’extase triomphale qui lui succède peu après. Ils se mouvaient avec une puissance qui relève sûrement de la vision divine de l’homme, mais qui pourtant semblait être totalement étrangère à notre bas monde. Par la danse, ils devinrent davantage que de simples humains, ils s’élevèrent par-delà les limites de notre enveloppe mortelle pour ne faire plus qu’un, si je puis me permettre, avec la création elle-même.
    Pour parler sans détour, ils étaient très… excitants.
    Soucieuse de mes responsabilités, je m’obligeai à détacher les yeux du spectacle pour observer les invités. À ce stade-là, cela faisait plusieurs heures que le vin coulait à flots, et tous en avaient pris, à part Morozzi. Si je n’étais pas seule à avoir fait preuve de modération, nous étions quand même fort peu.
    Confortablement installé dans son fauteuil, Sforza regardait la danse avec le plus grand intérêt. Je le trouvai quelque peu haletant et me dis que plus tard, sa maîtresse du moment aurait l’honneur de sa visite. Madonna Adriana était subitement prise de bouffées de chaleur ; Lucrèce se montrait aussi mal à l’aise qu’il sied à une vierge de l’être ; quant à Borgia… Il Cardinale était étendu sur son fauteuil, les paupières si lourdes qu’on aurait pu le croire assoupi. Je mis moi-même un certain temps à me rendre compte que malgré les apparences, il était totalement alerte ; seulement son attention n’était pas dirigée vers les danseurs, mais Morozzi.
    Ce dernier se tenait droit comme un piquet dans son fauteuil. Il avait le visage tout rouge et semblait… Par le diable, il n’était tout de même pas en train de… ? Le fait est qu’il semblait agiter précipitamment ses mains sous la table.
    Je le fixai, d’abord sans comprendre, puis d’un air totalement incrédule. Ses yeux, que la folie faisait briller intensément, croisèrent les miens. Je vis s’y refléter la perversité et le plaisir pernicieux comme je ne l’avais jamais vu, et comme je ne l’ai jamais observé chez quiconque depuis. Un bref instant je ressentis de la pitié pour lui ; mais elle fut bien vite balayée par une vague de dégoût, tant je me sentis violée par l’intimité de son regard.
    Je me détournai, sentant un haut-le-cœur monter. Je pris ma coupe d’une main tremblante et bus un peu de vin dans l’espoir de me calmer. Ayant désespérément besoin de le chasser de mon esprit, je me forçai à regarder de nouveau les autres invités. Personne ne semblait avoir remarqué son comportement indécent, tant le spectacle captivait l’assemblée. Du moins personne à part Borgia, qui continuait à observer le prêtre, ses paupières à demi closes, un léger sourire aux lèvres à présent.
    La danse finit enfin, tout comme Morozzi apparemment, même si à le voir cela ne lui avait apporté aucun soulagement. Les danseurs sortirent de scène sous les applaudissements, se hâtant d’aller se préparer pour les rendez-vous qui les attendaient ensuite. Je pris plusieurs profondes inspirations. Le comportement du prêtre m’avait davantage ébranlée que je ne l’aurais cru. Étant sortie indemne de mes péripéties dans le castel, je m’étais laissée aller à un sentiment de confiance que je ne pouvais me permettre, me rendais-je compte à présent. La démence de Morozzi le plaçait hors des limites du comportement humain normal, car elle le rendait imprévisible. Plus que toute autre chose, c’était cela sa plus grande force, et donc l’obstacle le plus difficile à surmonter pour moi si j’entendais triompher de lui.
    La musique continua par la suite, mais de manière plus conventionnelle. Avec ce changement d’ambiance furent servies les douceurs, censées clore le repas et aider à la digestion. Nous eûmes droit à un verre d’hypocras (épicé comme il se doit), ainsi qu’à des dragées, un vaste choix de fromages fondants, des figues fraîches et des oranges.

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