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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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la renverser, tant je regardais fixement l’homme qui venait d’entrer.
    À quelques pas de Borgia – à portée de lui vraiment, puisque apparemment il avait réussi à passer tous les gardes du palazzo, se trouvait le père Bernando Morozzi, un sourire aux lèvres.

25
    E n voyant Morozzi je ne pus m’empêcher de pousser un juron tout bas. Je me levai aussitôt de mon fauteuil, mais au même moment mon regard croisa celui de Borgia.
    Il Cardinale marqua son désaccord en secouant la tête, et fit un geste discret mais clair de la main pour m’enjoindre de me rasseoir. J’obéis, mais avec la plus grande réticence.
    Morozzi eut alors l’audace de se planter devant Borgia et, l’ayant à peine salué, de s’exclamer :
    — Mille excuses pour mon retard, Éminence. J’ai été retardé bien malgré moi.
    En l’entendant parler ainsi, les autres invités prêtèrent l’oreille, tout en feignant bien entendu le contraire. Un simple prêtre (quand bien même doté de très bonnes relations), retardé « malgré lui » pour une soirée donnée par le vice-chancelier de la curie et peut-être notre futur pape ?
    Tout cela était d’une prodigieuse effronterie. L’assistance, pourtant blasée et rompue aux comportements les plus irrévérencieux, était tellement choquée que plus personne ne parlait, attendant (moi y compris) ce qui n’allait pas manquer de suivre : une bonne leçon sur la façon de s’adresser au Cardinal, donnée par le premier intéressé.
    Mais Borgia nous surprit tous en déclarant, un grand sourire aux lèvres :
    — Balivernes, mon fils, tu n’as nul besoin de t’excuser. Assieds-toi, et passe une bonne soirée.
    Pendant le plus bref des instants, Morozzi eut l’air lui aussi décontenancé. Il s’attendait manifestement à une confrontation et paraissait dépité de s’en voir ainsi privé. Dans ces conditions, il n’avait d’autre choix que d’accepter le fauteuil qu’on lui indiquait, juste en face de moi – par le plus grand des hasards, bien sûr.
    Nous nous observâmes. Si Morozzi se sentait mal à l’aise d’être à la table de son ennemi, il ne le montra pas. Ses cheveux dorés qui retombaient en boucles parfaites devaient faire l’envie de plus d’une femme. Ses traits n’étaient pas marqués, et il arborait un sourire en apparence naturel. En d’autres termes, il ressemblait toujours à un ange.
    En examinant ainsi le prêtre, je me demandai quel âge il pouvait bien avoir. J’ai eu l’occasion d’observer que les individus vraiment dérangés semblent vieillir plus lentement que le reste d’entre nous. Certains y voient la preuve d’un pacte contre nature destiné à conserver leur jeunesse. Pour ma part, j’en suis arrivée à la conclusion que rien de ce qu’ils font ne les touche réellement. Il leur manque cette capacité essentielle à tisser des liens, qui anime nos consciences et écrit l’histoire de nos vies, pour le meilleur ou pour le pire, sur notre visage. C’est cela, plus que tout autre chose, qui les rend si dangereux.
    Et fait qu’il est capital de ne jamais céder devant eux.
    En me tournant j’aperçus Petrocchio qui, toujours prompt à déceler les ennuis potentiels, avait lui aussi les yeux fixés sur Morozzi. Le Maestro me surprit en train de l’observer et s’empressa de venir me voir. Il se pencha tout près de moi pour qu’on ne nous entende pas.
    — Savez-vous qui c’est ? lui demandai-je, prête à le lui dire si nécessaire.
    Mais comme d’habitude, Petrocchio me surprit par l’étendue de ses connaissances.
    — J’ai entendu certaines rumeurs à son sujet. Il était très proche d’Innocent, et c’est lui qui a trouvé les garçons pour les saignées du souverain pontife, à ce qu’il paraît. Que fait-il ici ?
    — À Borgia de nous le dire.
    Et à moi de le découvrir dès que j’en aurais l’occasion, mais avant cela…
    — Ce prêtre aurait grandement besoin d’être remis à sa place, je crois.
    — Plus que cela, même, répliqua mon sage Petrocchio, mais cela ira pour commencer.
    Il se redressa, et hocha la tête solennellement comme si je l’avais commandé. Autour de la table la conversation avait repris, mais le Maestro prit garde de parler suffisamment fort pour que tout le monde l’entende.
    — Oui, Donna Francesca, bien sûr. Vos désirs sont des ordres. J’y cours de ce pas, Donna Francesca.
    Sur ce, il partit précipitamment en claquant ostensiblement des doigts à

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