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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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Suivirent ensuite les bouchées à la pâte d’amandes, le sorbet parfumé aux pétales de rose et enfin mon dessert préféré, les chapeaux turcs, comme on appelle familièrement ces tubes de pâte frite fourrés de savoureuse ricotta. D’habitude je ne refuse jamais un bon chapeau turc, mais cette nuit-là ils avaient perdu de leur attrait.
    L’air s’était rafraîchi en cette heure tardive, sortant quelque peu les invités de leur torpeur. Demain ils retourneraient à leurs rivalités mais pour le moment ils s’amusaient, et firent même un accueil chaleureux au petit discours que Borgia prononça, debout, sur l’amitié et le fait que c’était l’un des dons les plus précieux de Dieu, que nous devrions tous cultiver comme nous cultivons notre jardin. J’écoutai seulement d’une oreille, mais eus impression qu’il était bien tourné.
    Pendant qu’il parlait, des domestiques firent leur apparition avec des paniers en or (non pas dorés, mais bien faits de bandes d’or tressées, comme je le constatai en en examinant un), remplis d’un assortiment de cadeaux pour chaque invité. J’eus le temps d’apercevoir des petits couteaux de poche aux manches ornés de pierres précieuses, des fioles en cristal contenant des huiles rares et, plus étonnant, des automates miniatures en forme d’oiseau qui, quand on tournait une clé minuscule dans leur dos, battaient des ailes et bougeaient la tête. Cette merveille de mécanique provoqua un tel ravissement que plusieurs prélats et princes étaient encore en train de jouer avec au moment de partir, raccompagnés vers la sortie par un Borgia rayonnant – fini les paupières lourdes, il paraissait aussi fringant que s’il sortait d’une bonne nuit de sommeil.
    Morozzi ne reçut pas de panier, et ne prit pas non plus congé de Borgia : il tenta bien plutôt de s’esquiver discrètement à la faveur de la nuit. Je précise qu’il « tenta » car il fut suivi par Vittoro, qui avait surgi de l’ombre derrière la tente, où il avait dû patienter depuis son arrivée. Il allait s’assurer que le prêtre fou quitte bien les lieux séance tenante, ce qui était rassurant.
    Lucrèce dormait presque debout lorsqu’elle embrassa son père et le remercia chaleureusement de lui avoir permis d’assister à la soirée. Sforza se tenait juste derrière elle. Je vis le regard qui passa entre les deux hommes. Je vis également, après le départ de la jeune fille au bras de Madonna Adriana, les deux cardinaux faire quelques pas ensemble pour parler en privé sous les arbres. Puis ce fut au tour de Sforza de partir, et Borgia disparut à l’intérieur.
    Petrocchio était avachi sur un canapé, une coupe de vin à la main et une cuisse de chapon dans l’autre, surveillant le nettoyage d’un œil las. Je pris place à côté de lui.
    — Tout s’est bien passé, lui dis-je en soupirant.
    — Grâce à Dieu, oui. Mais pas grâce à ce fou à lier. Non mais vous avez vu ce qu’il a fait ?
    Je fis la grimace.
    — Malheureusement, oui. Que savez-vous d’autre sur lui ?
    Le Maestro soupira, prit une gorgée de vin et raconta :
    — Il a fait son apparition à Rome il y a deux ans. Selon certains il viendrait de Gênes, où il avait peut-être des liens familiaux avec Innocent, mais selon d’autres il serait originaire de Florence. Au départ il avait un poste subalterne au Vatican, mais son influence s’est rapidement étendue. Le bruit court qu’il avait pris l’ascendant sur le pape en lui promettant de lui révéler le secret de longue vie.
    — Et Innocent a été suffisamment sot pour le croire ?
    — Je dirais plutôt suffisamment désespéré. En tout état de cause, maintenant qu’Innocent n’est plus là, il va devoir se trouver un nouveau protecteur.
    Petrocchio n’avait pas mentionné l’édit ni l’implication de Morozzi dans celui-ci, ce qui venait confirmer mon soupçon : l’affaire était si délicate que même à la curie (où les rumeurs étaient pourtant légion), on l’avait gardée secrète. Quand bien même, je tâtai le terrain un peu plus avant :
    — Avez-vous entendu dire quoi que ce soit s’agissant de Morozzi et des juifs ?
    Le Maestro me décocha un regard étonné.
    — Que voulez-vous dire ? Êtes-vous en train d’insinuer… ?
    — Je me demande seulement s’il serait possible que ce soit un converso.
    Après tout, Morozzi s’était revendiqué comme tel, mais j’avais depuis écarté l’idée comme

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