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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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plusieurs serviteurs, qui bondirent au garde-à-vous et le suivirent.
    Peu après, un plat doré fut posé devant Morozzi. L’y attendait une part de tous les mets délicieux servis jusqu’ici. Puis on lui apporta une somptueuse coupe remplie du même vin que j’étais en train de savourer. Petrocchio rôdait non loin, comme pour s’assurer que tout était parfait.
    Je vis Morozzi se raidir et fixer tour à tour son dîner, puis moi. Une certaine méfiance, peut-être même une expression de crainte, traversa son beau visage. Je n’oserais tout de même pas l’attaquer de façon aussi directe, en présence de tant de prélats et de Borgia lui-même ?
    Et pourtant, j’étais celle qui avait pénétré à l’intérieur du castel pour tuer le pape et en était ressortie vivante.
    Ce fut à mon tour de sourire.
    Sur ces entrefaites, les divertissements commencèrent : d’abord les acrobates, qui furent beaucoup applaudis, puis les jongleurs, qui se résumaient en fait à un homme et ses deux singes dressés, et enfin l’avaleur de sabres. Les singes me fascinèrent tout particulièrement. Ces petites bêtes étaient accoutrées de façon extravagante, dans le style qu’affectionnent les riches négociants – dont d’aucuns disent qu’ils aspirent à dominer, un jour, la vie de la cité. Elles commencèrent par s’affairer, visiblement pour mettre la table, puis elles s’assirent et dînèrent avec une aisance surprenante.
    Pendant ce temps-là, les plats continuaient à affluer : maccheroni parfumés au bouillon de chapon et au safran, œufs gratinés aux épinards, sardines grillées en feuilles de vigne, escargots sautés au vin, anguilles au vinaigre, rôti de héron et autres mets délicats défilaient, accompagnés des merveilleux vins de Toscane et de Ligurie.
    Du début à la fin, Morozzi ne mangea ni ne but. Il ne toucha même à rien ; ses mains restèrent sur ses genoux tout le temps que dura le dîner. Chaque plat qui lui fut apporté repartit intact. Son abstinence était si totale que Lucrèce interrompit la séance de charme qu’était en train de lui faire Sforza pour exprimer son inquiétude.
    — Le dîner n’est-il pas à votre goût, mon père ? s’enquit-elle.
    Je peux vous jurer sur la Bible qu’elle n’avait aucune idée de qui il était. C’était un invité, et son bien-être lui emportait : quiconque a déjà eu le plaisir de dîner à la table de Lucrèce vous dira qu’elle est la plus prévenante des hôtesses.
    Sa question innocente ne fit qu’accentuer le malaise de Morozzi, et le conduisit à répondre de façon irréfléchie. D’une voix un peu trop forte, il lui lança :
    — Je suis tout simplement incapable de faire bombance quelques jours à peine après la mort de notre bien-aimé Saint-Père.
    Eût-il émis un pet bruyant et malodorant qu’il n’aurait pas aussi bien réussi à passer pour un malotru, devant une assemblée si éloignée des contingences spirituelles. Un éclat de rire parcourut la table comme un frisson, puis l’on détourna volontairement le regard, tant la situation était embarrassante.
    Prenant conscience de son erreur, Morozzi rougit. J’ajoutai encore à sa gêne en faisant mine de dévorer le contenu de mon assiette avec un enthousiasme bien supérieur à la vérité. Ce n’était pas la qualité des plats qui était en cause ; simplement, celui qui avait la sottise de manger de trop bon appétit tout ce qu’on lui servait en viendrait assurément à le regretter, le matin venu. Soit cela, soit il mettrait en pratique la vieille coutume romaine qui consiste à aller vomir dans les buissons de ses hôtes.
    — Vous devez absolument goûter à cela, fis-je à Lucrèce à un moment donné, en lui mettant un morceau de tarte bolognaise dans son assiette. Elle convint que c’était très bon, et m’encouragea à son tour à essayer les champignons farcis qui, je dois le dire, étaient excellents.
    L’avaleur de sabres se retira sous les applaudissements, et le silence retomba. Dans le calme soudain on entendit bientôt le doux et ondulant murmure de la flûte, suivi du battement du tambourin. La musique se fit plus forte, puis insistante, et tout à coup les danseurs entrèrent dans la tente en virevoltant, avant de prendre position à la vue de tous.
    Je précise qu’il s’agissait de « danseurs » car à ma surprise, sur la dizaine d’artistes en scène il y avait trois hommes, dont les corps agiles et musclés

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