Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
Vom Netzwerk:
assez.
     
    Grâce à frère Guillaume, nous savions désormais que Torquemada était à Rome. Le Grand Inquisiteur était arrivé discrètement le matin même et avait pris ses quartiers au chapitre de Sainte-Marie-de-la-Minerve, là même où (ironie suprême du sort) David et moi avions trouvé refuge après notre fuite du castel.
    C’est Rocco lui-même qui m’apporta la nouvelle. Il me trouva dans la cour, près des quartiers de la garde, où j’étais venue discuter avec Vittoro. L’effervescence des préparatifs continuait, entre ses hommes et les domestiques qui allaient et venaient l’air soucieux, mais nous parvînmes à trouver un peu d’intimité dans l’ombre de la loggia.
    Je n’avais pas revu Rocco depuis notre dernière rencontre au palazzo. Le souvenir du baiser que nous avions échangé me fit rater le début de sa phrase.
    — … arrivé discrètement à Rome avec une dizaine de compagnons seulement. Ils s’étaient déguisés en frères venus pour le conclave. Il ne s’est pas aventuré dehors depuis, mais en revanche il a reçu plusieurs visiteurs.
    — Morozzi en était-il ? demandai-je en revenant tout à coup à la réalité.
    — Non, mais Guillaume a reconnu deux membres de la maison de della Rovere.
    Je me raidis. Si le grand rival de Borgia s’alliait à Torquemada, Il Cardinale était encore plus en danger que je ne l’avais craint.
    — Je dois prévenir Son Éminence, fis-je.
    Mais avant cela je m’attardai un peu, examinant l’homme qui avait accepté de courir un si grand danger pour des individus dont il n’avait aucune raison particulière de se soucier et parmi lesquels figurait la femme qui l’avait rejeté.
    — Tu en as déjà beaucoup fait, lui dis-je. Il serait peut-être temps pour toi de rejoindre Nando à la campagne.
    Je remerciais Dieu que Rocco ait eu la sagesse d’envoyer son fils en sécurité.
    Il me sourit et me toucha doucement la joue de sa main. Je ne songeai même pas à m’écarter, tant je l’observais avec attention. Il était véritablement bel homme – non à la manière de César aux humeurs changeantes, ou de Morozzi dont la beauté n’était qu’illusion, mais grâce à cette force tranquille qui lui seyait tant et se révélait dans tout ce qu’il faisait. Les créations auxquelles il donnait vie dans son échoppe de verrier étaient d’une grande délicatesse, mais j’étais en train de prendre conscience que cet homme était un roc que rien ni personne ne pourrait ébranler.
    — Nando n’est qu’un enfant, Francesca. Je suis un homme. Je resterai ici jusqu’au bout.
    Plutôt que d’ouvrir la bouche et risquer de me ridiculiser, je lui serrai chaleureusement la main et hochai la tête en guise de réponse. Nous nous attardâmes encore un instant, avant que la réalité de ce monde aux implacables exigences nous entraîne loin l’un de l’autre. Cela ne m’empêcha pas de le regarder s’éloigner dans la cour jusqu’à ce qu’il soit totalement hors de vue. À ce moment-là seulement me mis-je en quête de Borgia, afin de lui annoncer ce que je venais d’apprendre.
    — Maudit Giuliano ! s’écria le Cardinal lorsque je lui fis part des visites qu’avait reçues Torquemada. Ne s’arrêtera-t-il donc à aucune bassesse ?
    Remarque qui venait de la part d’un homme ayant allègrement réclamé la mort d’un pape.
    Par nécessité, j’avais fait part à Il Cardinale de mes soupçons concernant les intentions de Torquemada et de Morozzi. Il m’écouta en silence, se bornant à grommeler une fois ou deux, avant de prononcer son verdict.
    — Ton père serait fier de toi.
    Étonnée, je lui répliquai :
    — En quoi, exactement ? Il n’a jamais voulu de cette vie pour moi.
    Bien au contraire, il aurait souhaité me voir accepter le mari qu’il m’avait choisi et mettre au monde des petits-enfants qu’il se serait empressé de gâter. Non seulement il n’avait obtenu ni l’un ni l’autre mais en plus il était mort, abattu dans une ruelle crasseuse de Rome – un bien triste exemple de l’ironie cruelle avec laquelle la vie nous malmène, parfois.
    — Il possédait davantage de clairvoyance que la plupart des gens, renchérit Borgia. Peut-être car il nourrissait très peu d’illusions.
    À part celle, malencontreuse, qu’il saurait empêcher sa fille unique de marcher sur ses traces.
    — Que faire, à présent ? demandai-je à Borgia, car c’était lui qui était là et non mon père, à qui

Weitere Kostenlose Bücher