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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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j’aurais grandement préféré demander conseil.
    Borgia haussa les épaules.
    — Que pouvons-nous faire ? Je crois que tu as raison concernant le complot que Morozzi et Torquemada sont en train d’ourdir. C’est la seule explication à la présence du Grand Inquisiteur ici, précisément maintenant. Reste encore à voir si nous parviendrons à les stopper à temps.
    — Mais si nous n’y arrivons pas…
    — Alors nous aurons un Saint Enfant de Rome, conclut-il, en référence à cet enfant prétendument crucifié à La Guardia.
    Le lieu de pèlerinage qui était en train d’être érigé à « sa » mémoire promettait d’attirer des foules de fidèles.
    — Dieu nous en préserve, répliquai-je sincèrement.
    Si une telle chose arrivait à Rome, la candidature de Borgia à la papauté serait condamnée, et les juifs avec. Pour l’instant, malgré le fait que della Rovere le taxait à l’envi de marrano, l’opinion publique restait en faveur d’Il Cardinale grâce à son image d’homme pragmatique à même de résoudre les problèmes plutôt que d’en causer, et n’hésitant pas à ouvrir les cordons de la bourse lorsque nécessaire. Il faudrait véritablement un événement du genre de ce qui s’était passé à La Guardia pour retourner la populace contre lui ; or, dans ce cas-là, il ne s’agirait pas seulement de Rome mais de la chrétienté tout entière.
    — Pour autant que l’on sache, repris-je, aucun enfant des rues n’a disparu.
    C’était Benjamin lui-même qui était venu me le dire après sa sortie en ville. Se faisant passer pour un chrétien, il était allé traîner du côté du Campo puis avait traversé le Tibre et s’était rendu quasiment aux portes du Vatican, pendant tout ce temps écoutant, observant, murmurant une question ici et là dans les bonnes oreilles. Rome avait plus que sa part d’enfants des rues, qui ne restaient anonymes que si on le voulait bien. Car entre eux ils formaient une sorte de tribu, au sein de laquelle ils se connaissaient tous. En d’autres termes, si l’un des enfants avait disparu, son absence aurait été remarquée.
    Quant à l’école des cantoretti, Vittoro avait confirmé qu’aucun garçon ne manquait à l’appel, à part ceux aimablement fournis par Morozzi à Innocent pour les saignées. Je craignais encore pour le sort de ces derniers, mais j’étais convaincue qu’aucun d’entre eux ne tomberait aux mains de Torquemada. Dans d’autres circonstances, l’état de leur corps (en particulier la preuve tangible qu’ils avaient été saignés sur une longue période) aurait aidé à porter les plus ignobles accusations contre les juifs. Mais nous étions à Rome, cité des rumeurs autant que de la finesse. Cela faisait des mois que la ville entière bruissait de la dernière tentative désespérée du pape pour tromper la mort. Si le corps d’un garçon visiblement saigné à répétition devait faire surface, on ne verrait pas cela comme le signe de la dépravation des juifs, mais bien de celle de l’Église. Non, décidément, l’enfant devait venir d’ailleurs.
    Là où Morozzi se trouvait en ce moment même, à mon avis, car nous n’avions aucune nouvelle de lui.
    — Personne ne l’a vu depuis la fin de la soirée, expliquai-je à Borgia lors d’une seconde entrevue dans son bureau en début de soirée. Il n’est pas au castel, ni au Vatican. Il semble s’être évaporé.
    — Ce n’est pas bon signe, fit remarquer le Cardinal. Il faut le retrouver.
    Je n’aurais su en convenir davantage, mais à moins d’en appeler aux anges du Paradis, je n’avais aucune idée de la façon de m’y prendre. Le prêtre fou pouvait être n’importe où.
    — Nous pourrions faire surveiller Torquemada, suggérai-je. Au cas où Morozzi irait le voir.
    Borgia hocha la tête.
    — Vittoro s’en est déjà occupé, mais pourquoi auraient-ils besoin de se voir maintenant ? Lorsqu’on aura retrouvé l’enfant mort, Torquemada sera immédiatement prévenu. Ensuite il fera son apparition, en déclarant probablement que Dieu a miraculeusement guidé ses pas jusque-là, et n’aura plus qu’à persuader la population de se soulever contre les juifs.
    Il poussa un profond soupir et l’espace d’un instant il eut l’air vieux et las, comme si l’inépuisable propension de l’humanité au péché (en plus de la sienne) l’épuisait.
    — À moins d’assigner un garde à la protection de chaque petit chrétien de Rome et des

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