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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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veux parler. La dernière fois où j’ai vu ton père, c’était en hiver.
    Je me raidis. Sofia Montefiore était en train de me dire que la mission de Borgia était una ricerca vana , qu’il m’avait envoyée ici pour rien. Étant donné qu’Il Cardinale possédait le réseau d’espions le plus important et le plus capable de Rome, des États pontificaux, et d’ailleurs, pareille chose était hautement improbable.
    — Ce serait une erreur de ta part, dis-je en pesant mes mots, de mésestimer l’intérêt du Cardinal dans cette affaire.
    Calmement, Sofia répliqua :
    — Je t’assure que je ne ferais jamais cela. À présent, si tu veux bien m’excuser, je dois retourner auprès de mes patients.
    N’ayant d’autre choix, Vittoro et moi sortîmes de l’échoppe par la porte de derrière. Elle donnait sur une venelle froide et humide, qui nous mena finalement à l’une des rues un peu plus larges, et de là à l’entrée de la ville. Lorsque nous eûmes quitté l’atmosphère confinée du ghetto, mes genoux faillirent se dérober sous moi de soulagement. Rien ne m’avait préparée à la souffrance des juifs de Rome. Je m’éloignai le plus rapidement possible, tout en sachant que ce que j’avais vu reviendrait me hanter.
    Dans ces circonstances, et étant donné que je n’avais rien de concret à rapporter au Cardinal, je persuadai Vittoro de m’escorter seulement jusqu’à l’échoppe de Rocco, au Campo. Là, le capitaine me quitta après m’avoir fait promettre de ne pas retourner au palazzo sans le garde qu’il envoyait de ce pas me chercher.
    Vous vous demandez peut-être dans quel but je me rendais là-bas. Pour être franche, je me sentais accablée et ne savais vers qui d’autre me tourner. Concrètement, je venais d’échouer dans ma première mission pour Borgia, puisque je n’avais rien découvert s’agissant des récents travaux de mon père, et encore moins ses notes. Sofia Montefiore avait prétendu tout ignorer de ses activités. La seule autre personne en mesure de savoir, selon moi, était Rocco.
    Affairé à son four dans la cour arrière, il ne me vit pas tout de suite et j’eus le loisir de l’observer. Il était en train de manier une énorme canne de souffleur avec autant de facilité que s’il s’était agi d’une plume. Bandant les muscles sculptés de son dos nu pour emplir de son souffle une masse de sable en fusion, il la transforma instantanément en une bulle de verre chatoyante, striée d’écarlate et d’azur.
    Selon Pline l’Ancien, ce sont les Phéniciens qui ont introduit l’art des maîtres verriers, même si d’aucuns disent que sa découverte est bien antérieure encore. Les Maures d’Andalousie, en affinant la technique, ont produit des œuvres d’une pureté étonnante. Mais c’est aux Vénitiens qu’il est revenu de créer un verre d’une beauté si époustouflante qu’on le compare au souffle des anges. Rocco exerçait son art de façon magistrale, et c’était pour cette raison (à l’évidence, pour aucune autre) que je le trouvais si fascinant à regarder.
    Ne voulant pas le faire sursauter, je me retins jusqu’à ce qu’il ait coupé l’extrémité de la coupe et l’ait mise à sécher sur une étagère avant de faire l’effort de sourire et de m’avancer.
    Il eut un moment d’inattention en m’apercevant. Je vis dans ses yeux – quoi, exactement ? De la surprise, manifestement, car il ne devait pas s’attendre à me revoir aussi vite, mais autre chose également. Une timide étincelle de plaisir, peut-être, ou bien était-ce une illusion d’optique provoquée par les rayons du soleil filtrant à travers les branches des platanes ? À coup sûr, rien ne justifiait cette soudaine bouffée de chaleur qui me colora les joues et me fit détourner le regard.
    — J’ai besoin d’un conseil, annonçai-je simplement, et je fus soulagée de le voir poser ses outils et acquiescer d’un signe de tête.
    De nouveau, nous nous assîmes à la table qui se trouvait à l’écart de la rue animée. Pour le moment, nous étions seuls : Nando était allé jouer avec les autres enfants. Brièvement, je lui relatai ce qui s’était passé dans les dernières vingt-quatre heures. Je passai sous silence l’agression dont j’avais été victime, mais je le vis froncer les sourcils en voyant le bleu sur mon front, que j’exposai en repoussant distraitement une mèche de cheveux.
    — Est-ce que tu vas bien ?

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